Les Vieux Normands – Chapitre 15 : Jacques ou le vent soufflant sur une plage de Bretagne en fin de soirée

On avait convenu que Jeanne-Claude utiliserait ses réseaux dans la région pour rechercher Jacques et le pister dès qu’il serait en vue. Pendant ce temps, les autres devaient s’organiser pour libérer Albert des locaux de la Police. Jean-Claude Trifouille, armé de son éternel chalumeau, commanderait les opérations. L’objectif était de libérer Albert au plus vite, puis d’attendre un appel des sbires de Jeanne-Claude qui localiseraient Jacques. La libération d’Albert, qui promettait d’être rocambolesque, servait cet objectif puisqu’il attirerait sans doute l’attention de Jacques. Michel se rendrait dans le même temps à l’hôpital pour interroger les gendarmes sur l’affaire des cageots de poisson, bien entendu sans mentionner les événements du commissariat. Ils devraient ensuite capturer Jacques avant qu’il n’atteigne son sous-marin. Si la capture échouait, il était convenu de ne pas embarquer à bord du sous-marin, car Michel, qui s’y connaissait, était convaincu que l’on n’était pas sûr d’en revenir.

Ce fut une course contre-la-montre. Michel se rua à l’hôpital, avant de réaliser qu’il partait dans la mauvaise direction puisqu’il avait oublié son plan de la ville, ce qui provoqua la colère de Jean-Claude Trifouille. Ce dernier, accompagné de Luna et Yves-Martin, entra en grande pompe dans le poste de Police, comme cela avait été convenu. Tandis qu’il courait après les gendarmes armé de son chalumeau, les deux autres se faufilèrent par une porte dérobée, juste derrière un bureau, qui menait aux cellules secrètes. C’était Luna qui, en connaisseuse des prisons – son père y faisait de fréquents séjours – avait soufflé l’information à Yves-Martin. Il arrivèrent dans un couloir de pierre, aux parois humides, et où cohabitaient de nombreux insectes juchés dans les recoins du plafond où perçaient quelques touffes de mousse. Les murs, épais, étouffaient le vacarme du commissariat où Jean-Claude terminait de faire fuir les gendarmes les plus enhardis. Le couloir, bien que sombre, ne menait guère plus loin que quelques mètres, et les deux compagnons, seulement équipés d’une lampe torche, ne virent aucune cellule, comme l’avait espéré Luna. Pris soudain de désespoir, Yves-Martin cria le nom d’Albert à tue-tête, et attendit une réponse, sa voix amplifiée par l’écho. Tendant l’oreille, et alors que l’écho semblait ne rencontrer que l’immense édifice du silence, une voix, perçant les profondeurs des murs, s’éleva, discrète et familière. « C’est moi, Albert ! Par ici ! ». Ainsi, l’ex-journaliste guida Luna et Yves-Martin au son de sa voix. Ils ne l’avaient pas trouvé, et pour cause : sa cellule était juchée en haut d’une cavité qui fendait la paroi en deux, de sorte que quiconque voulant y accéder se voyait contraint d’escalader la paroi et, tâche bien plus périlleuse, de redescendre ensuite, dans le noir. Luna tenta d’escalader à l’aveugle tandis qu’Yves-Martin l’éclairait, mais la lueur était trop insuffisante pour qu’elle pût distinguer les contours de la cellule. Un grand fracas se fit soudain entendre, qui illumina le couloir, les ombres des enquêteurs côtoyant les silhouettes des rares prisonniers encore vivants dans leur cellule. Ce bruit, cette lumière, c’était Jean-Claude Trifouille, armé de son chalumeau. Il observa la cavité qui séparait du sol la cellule d’Albert et, d’un ton expert, jaugea : « Eh bien, on ferait mieux de s’y mettre maintenant, parce que croyez-moi, y’a du boulot ! »

Pendant que le commissariat était sens dessus dessous, Michel vaquait et se perdait à travers les couloirs de l’hôpital, dans lesquels il avait toujours disposé d’un piètre sens de l’orientation. Après s’être rendu à l’accueil, on lui avait en effet indiqué que les gendarmes étaient « hospitalisés dans un compartiment à l’abri des visites », mais qu’il pouvait tout de même tenter sa chance au « Bureau des Visites spéciales », près de la porte numéro trois, au cinquième étage, après l’escalier vert. Mais seulement voilà : il était monté au cinquième par l’escalier bleu, et ne trouvant pas la porte numéro trois, il fit l’erreur de redescendre d’un étage, pensant avoir failli sur le nombre, ne se doutant pas que la nuance entre vert émeraude et bleu opalin fût à l’origine de ses ennuis ; et de là, ne sachant plus par où aller, il interpella une aide-soignante, prénommée Suzanne d’après son badge, qui l’informa fort aimablement que l’escalier vert était accessible à l’autre bout du couloir, en passant par la porte numéro douze, en face des toilettes pour messieurs. Michel la remercia, et suivit la direction indiquée tout en se demandant pourquoi diable la porte numéro trois était située au cinquième étage, alors que la porte numéro douze ne se trouvait qu’au quatrième.

Pendant que Michel se perdait dans un dédale de couloirs mornement éclairés, Jean-Claude finissait d’aménager dans la roche un petit escalier, qui devait faciliter grandement l’accès à la cellule d’Albert. Mais voilà, le chalumeau de Trifouille n’était guère éternel, et rendit soudain l’âme dans une ultime étincelle rocheuse. Alors Luna, toujours éclairée par la lampe d’Yves-Martin, et assistée de Jean-Claude qui lui fournissait quelque indication technique, grimpa l’escalier qui avait l’air de tenir bon, jusqu’à la dernière marche, où Jean-Claude, qui l’avait trouvée « un peu juste », prévint d’une certaine instabilité. Juchée à dix mètres du sol, Luna n’en menait pas large : elle prit le peu d’élan qu’elle pouvait, puis sauta, retombant toute entière dans la cellule d’Albert, à l’exception de sa jambe droite qui s’appuya sur ladite marche, laquelle s’effondra aussitôt, causant une frayeur dans l’assistance. Enfin, la jeune femme se redressa, et vit Albert qui venait à sa rencontre. Il avait les yeux creusés, une barbe plutôt fournie, mais son regard brillait toujours de la même intensité. « Ça alors, je pensais vous revoir tous comme ça, mais dis donc, comment vous avez pu me retrouver là-dedans ? C’est-à-dire que Luna nous a bien été utile… Tiens, Yves-Martin, t’es là aussi ? Faut croire… Et vous, avec votre chalumeau, vous êtes qui ? Jean-Claude Trifouille, j’connais votre grand-mère, on a fait un sacré bout de chemin ensemble. »  A l’évocation de Jeanne-Claude, Albert se hérissa : il sentait, sans rien savoir encore, que sa grand-mère trafiquait quelque chose.

Et il ne se trompait pas. A quelques kilomètres de là, aux alentours de l’hôpital, un homme vêtu de blanc observait le parking, à l’ombre d’un camion. Cela faisait un bon moment, peut-être une heure ou deux, qu’il attendait là. Il avait depuis longtemps renoncé à sa paire de jumelles, préférant ses écouteurs qui diffusaient de vieilles musiques country. Presque découragé par le vent qui sifflait à ses oreilles, et l’absence totale d’intérêt de sa mission, il s’apprêtait à dormir lorsqu’il aperçu deux hommes qui marchaient en direction de l’hôpital, vers l’entrée réservée au personnel. Il prit immédiatement ses jumelles. L’un, silhouette pressée et élancée, semblait invectiver l’autre, plus lent, et muni d’une canne car il semblait aveugle. L’homme sorti de son veston une liasse de documents, en tira deux photographies, et les compara avec les deux hommes qu’il venait de voir. Pour le premier, pas de doute : c’était bien Jacques. Le second, en revanche, lui était inconnu. Il fouilla dans ses documents, sans succès. Puis il les suivit, appelant au passage Jeanne-Claude : « Je l’ai trouvé. Hôpital. Filature. Terminé ».

A l’intérieur de l’hôpital, Michel trouva enfin la porte de l’escalier vert. Mais il fut pris d’une envie pressante, et se dirigea vers les toilettes. Puis il s’engouffra dans l’escalier, montant les marches du plus vite qu’il le pouvait. Arrivé au cinquième étage, il partit sur sa droite, trouva par chance la porte numéro trois, et constata qu’un ascenseur y arrivait directement. Maudissant Suzanne et les escaliers, il entra, essoufflé, dans le Bureau des Visites spéciales. Trois personnes attendaient là. Un monsieur plutôt âgé, considérablement rabougri, et vêtu d’un imperméable vert bonbon qui n’était pas à son honneur, se trouvait juste devant lui. Puis venait un homme qui portait une casquette racornie par le sel, et de grosses bottes. Il avait l’air d’accompagner un autre homme devant lui, plus sec, tout de noir vêtu, et qui semblait pressé. Michel tiqua à la vue de cette stature qui lui rappelait quelque chose. Mais, se disait-il, c’est sans doute mon esprit fatigué qui me joue des tours. Il attendit patiemment son tour, et quand il arriva devant le bureau, une femme sans âge à la voix geignarde l’interrogea : « Nom, prénooom ». Puis : « C’est pour quel motiiif ? » Et enfin : « D’accord, mais pas plus de trois minutes, ils sont très fatiguééés, heeein ? » Michel approuva, en se retenant de ne pas exploser. Il fit demi-tour, passa devant un homme en costume blanc assis sur un banc et, s’apercevant que la dame ne lui avait pas indiqué le numéro de la chambre, il l’interrogea de désespoir. Par chance, l’homme répondit qu’il connaissait certains gendarmes, et se proposa de l’accompagner. Arrivés  à la porte de la chambre, l’homme demeura en arrière et Michel allait entrer quand les deux hommes qu’il avait vu au Bureau des Visites spéciales en sortirent. Celui qui était aveugle portait un cageot de poissons, pratiquement vide, à l’exception d’un merlu qui, visiblement, avait voulu rester là. Les trois hommes s’arrêtèrent. L’homme en costume, plus loin, se leva d’un coup. Un cageot. Plusieurs cageots, dans toutes les rues. Tout un régiment hospitalisé. La municipalité qui parlait d’une intoxication alimentaire. Mais oui ! Les poissons étaient devenus poison ! Et ce n’était pas fini ! Michel était pratiquement certain que c’était cet homme qui était à l’origine de l’affaire. Mais pourquoi donc ? Et qui était ce vieux breton au visage tanné ? Il lui manquait encore une pièce du puzzle. Michel, à cet instant, leva la tête, et vit que l’homme en noir le regardait. Il se figea : c’était Jacques, c’était son père, celui qu’il honnissait, qu’il haïssait. Michel savait maintenant pourquoi la porte numéro trois était située au cinquième étage : il s’y passait des choses bien étranges. A cet instant précis, les deux hommes partirent en courant, prirent l’ascenseur, et Michel, un peu long à la détente, ne put que se cogner contre le métal froid. Encore stupéfié, il se retourna vers l’homme en blanc, qui passait un coup de fil. Il raccrocha promptement, et vint vers Michel. Vous connaissez cet homme ? Non, pas le pêcheur, l’autre. Votre père ? Vous êtes donc au courant ? Je vois. Très bien. Elle arrive d’un instant à l’autre. Tenez vous prêt, il va y avoir du grabuge. Et le costume blanc partit en courant, dévalant l’escalier vert.

Albert, qui revoyait la lumière du soleil pour la première fois depuis plusieurs jours, n’eut pas le temps de goûter à la brise du soir qui tombait doucement sur le port de Douarnenez, alors que les mouettes sortaient, à la recherche d’un éventuel casse-croûte. L’ex-journaliste fut briefé par Yves-Martin, qui lui raconta les avancées de l’enquête. Michel les rejoignit, et expliqua à Luna sa découverte : elle fit le lien avec le poisson qu’elle avait ramassé, et confirma que c’était bien le vieux pêcheur qui accompagnait Jacques. Un téléphone sonna, dans une poche. C’était celui de Luna, qui décrocha. Son visage se ferma d’un coup, puis elle raccrocha, l’air sombre. « Michel a trouvé Jacques. Il se dirige vers la plage. Faut se dépêcher. » Et à peine avait-elle dit cela que l’antique Nokia de Jean-Claude Trifouille sonna à son tour. Cette fois, c’était Jeanne-Claude, qui se hâtait, informée de la présence de Jacques. Trifouille était tendu : il savait que la deuxième clause de l’accord, qui stipulait que seule Jeanne-Claude devait affronter Jacques, serait très difficile à respecter en présence d’Albert, et surtout de Michel et Luna.

Alors, dans une brume étrange, hantée par les cris des mouettes et par la lune qui se levait, je vis apparaître sur la plage un homme boitant, avec des bottes, et une casquette de pêcheur pour masquer ses yeux opalins. Il embarqua à bord d’un petit bateau, le sien sans doute, et partit droit vers le large. Soudain, il s’arrêta au milieu de l’horizon, sans bouger. Puis, un grand bruit aigu, perçant, comme un sifflet dans un coquillage, traversa la brume. Quelque chose sortait de l’eau. Dans un fracas océanique, une immense baleine de métal s’ébroua. Sur son flan gauche, l’inscription Le Breton rouge, en blanc. Le pêcheur, qui voguait tout près, abandonna son navire et rejoignit le sous-marin. Il entra à l’intérieur, mais laissa la lunette ouverte. Le monstre se rapprochait, creusant les flots de ses nageoires électriques, rugissant à en désorienter n’importe quel sonar. Et l’animal continuait son chemin vers la plage, alors que Jacques, d’un bon pas de course, accourait, un cageot à la main. A une dizaine de mètres derrière lui, tels des marathoniens poursuivant un lièvre qui leur jouerait de mauvais tours, Luna et Yves-Martin tenaient la cadence, puis venait Michel, un peu plus essoufflé, Albert, qui n’était pas en grande condition physique depuis sa détention, et enfin Jean-Claude Trifouille, qui marchait d’un pas tranquille, comme s’il attendait quelque chose. De loin, je pouvais voir l’homme en costume blanc, qui s’était arrêté pour contempler la scène du couchant, et de cette poursuite incongrue : il avait rempli sa mission. D’un coup, alors que Jacques s’était jeté à l’eau pour rejoindre le sous-marin, un léger vrombissement semblable à une mouche se fit entendre du côté des rochers. Puis le son devint plus fort, et la roche éclata en mille morceaux, laissa apparaître Jeanne-Claude, œil fier et mine sévère dans son fauteuil roulant électrique dernière génération, auquel Jean-Claude, on s’en souvient, avait eu la bonté d’ajouter des réacteurs.

Jacques venait de parvenir au sous-marin, mais Yves-Martin et Luna, plus en jambe, l’avaient rattrapé. Les trois se faisaient face, bientôt rejoints par Michel et Albert. Jean-Claude Trifouille, à bout de force, ne prit guère part à la poursuite et s’en alla se rafraîchir. On se tassait comme on pouvait sur le toit du sous-marin, quand Jeanne-Claude, propulsée par ses réacteurs, atterri sur le monstre dans un dérapage contrôlé qui eut fait frémir tous les adeptes d’automobile. La nuit tomba. Tous se regardèrent quand, soudain, une forme apparu derrière Jacques. Tous écarquillèrent les yeux, croyant la fin arrivée. C’était un navire de plusieurs mètres de haut, taillé pour la haute mer, et qui semblait partir à la dérive : un trou à l’avant de la coque confirmait cette hypothèse. Mais je savais que les deux engins ne feraient que s’effleurer. Après le passage de l’immense voilier qui continuait sa dérive, le pêcheur cria quelque chose à Jacques, qui subitement battit en retraite et ferma l’écoutille. Les autres, impuissants, devinaient la suite : le monstre allait plonger.

« Accrochez-vous ! » furent les derniers mots que chacun entendit alors que le sous-marin s’enfonçait sous les eaux. Luna s’accrocha comme elle le put à la poignée de l’écoutille, Yves-Martin et Albert aux ailerons. Michel, qui ne trouvait plus d’appui, s’accrocha à Luna. Restait Jeanne-Claude. Tous les regards étaient rivés sur elle : une bulle s’était formée autour de son fauteuil, lui évitant toute apnée. Alors, les propulseurs de l’engin rugirent, les eaux noires prirent une teinte bleutée, et la centenaire chargea en plein dans la paroi du sous-marin qui, comme on peut se le figurer, éclata en morceaux de tôle qui donnèrent du fil à retordre aux requins en contrebas. Aspirés par ce trou d’air, tous pénétrèrent le sous-marin qui prenait l’eau. Il faut dire qu’à une pareille profondeur, aucune chance pour eux de survivre en eau libre. Et pas question, non plus, d’abandonner. Le pêcheur fut le premier homme à se présenter. Yves-Martin, furieux d’avoir été ainsi embarqué, l’assomma avec un extincteur qui se trouvait là. Le vieux pêcheur, l’aveugle qui entendait l’océan, partit à la dérive. Puis ce furent d’autres matelots à bord du sous-marin qui vécurent le même sort. Enfin, Jacques, qui était sortit de la cabine de pilotage sous la sirène hurlante de l’engin métallique, qui fuyait de partout. Albert, qui ne put se contenir, chargea Jacques sans prévenir, et Luna s’ajouta à la mêlée. Jeanne-Claude, qui était restée tranquille, observait la chose d’un regard mauvais. Jacques, en bonne condition physique, repoussait comme il le pouvait ses deux assaillants, épuisés mais hargneux. Enfin, Albert lâcha prise et se fit vertement semencer par sa grand-mère, comme s’il eût été un enfant trop turbulent. Luna, pas en reste, se fit réprimander de la même façon. Enfin, alors que Jacques se relevait, armé d’un couteau de cuisine, Jeanne-Claude fonça sur lui à pleine vitesse, ses propulseurs saturant l’eau. Mais elle n’avait pas anticipé Luna, qui, le visage baigné d’une colère farouche, s’était jetée sur son père avec les dernières forces qu’ont encore les combattants épuisés. Et Jacques fut submergé, avec une telle force qu’il traversa la paroi. Mais Luna, elle aussi, traversa la paroi. Et, sonnés par l’impact, ils coulèrent au fond de l’eau. Et les vagues continuèrent à frapper le rivage, et les vents continuèrent à souffler, et le sous-marin ne cessait guère de sombrer. Plus jamais on ne revit Luna et son père.

Ayant vu cela, je dépêchais mes équipes  de plongeurs, qui ramenèrent tous ceux qui étaient en vie sur le sous-marin, et à la dérive. Je revenais vers la plage. Puis, Albert, d’une étonnante lucidité, vit que j’avais un perroquet sur mon épaule. Il me dit que c’était le sien, qu’il s’appelait Snipiou. Je tendis mon bras, et Snipiou alla retrouver l’ex-journaliste. Puis il me demanda comment j’avais su qu’un tel affrontement allait avoir lieu. Je lui répondis la vérité qui était la mienne : je suis je, le je qui vous suit depuis le début. Je connais toutes vos aventures, vos émois, vos succès. Il fallait bien quelqu’un pour raconter cette histoire, non ?


Le vieux pêcheur, que mes efforts n’ont pas permis de récupérer, voguait sans doute à la dérive, sur un débris du sous-marin. Je sentais, toutefois, qu’il finirait par être secouru. Les amis des eaux sont toujours secourus, même lorsqu’ils ont vogué au mauvais endroit. Jean et Jeanne-Claude étaient retournés en Corse : Raymond n’avaient pas reçus les derniers hommages, et il les méritait bien. Michel était resté en Bretagne : cloîtré chez lui, son cœur avait sombré sous les mers, avec Luna. Yves-Martin s’était empressé de narrer les événements à son retour dans les locaux de Libération. Mais la surprise est venue d’Albert : endeuillé de Luna, amie très chère disparue trop tôt, il fut promu grand reporter pour « sa prise de risque et son éclairage exceptionnels sur les trafics régionaux ». Mais, avant de reprendre du service, il avait une chose à faire. Retourner au début, là où l’histoire avait débuté. Là où les temps avaient commencé à changer. C’était peut-être ça, le hasard des bistrots : on y vient, on en part, on va voir ailleurs, et finalement, on y revient. Il n’y en a pas un meilleur que l’autre : mais chaque endroit sur Terre a son Vieux Normand. Et désormais, Albert aussi savait où était le sien.

Albert consulta son téléphone : pas de réseau. Il leva la tête : Le Vieux Normand. Il s’assit devant le bar, et pleura. De joie, surtout, mais de tristesse, aussi. Une douce mélancolie l’envahit alors, et le grand reporter laissa lui aussi son esprit prendre le large.

Merci d’avoir lu cette histoire ! Même si sa qualité est assez inégale, elle reflète bien l’évolution de mon style ces cinq dernières années ! N’hésitez pas à commenter, vos retours me sont très précieux. Prenez soin de vous.

Anlouek

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