— Service confinement, bonjour ! Que puis-je faire pour vous ?
— Bonjour, Madame, vous vous souvenez de moi ?
— De vous ? ça ne me dit rien.
— Mais si, je suis le Monsieur du premier épisode.
— Mais de quel épisode parlez-vous, m’enfin ?
— Enfin Madame, vous ne lisez pas la presse ?
— Non, j’ai arrêté en ce moment…
— Eh bien figurez-vous que c’est le dernier épisode aujourd’hui.
— Mais comment cela ? je vais disparaître, c’est ça ?
— Eh bien, tout comme moi, je le crains…
— Ah ! C’est terrible ! La fatalité !
— Mais non ma p’tite dame, ‘vous faites pas de bile : ça veut dire qu’on peut à nouveau sortir dehors.
— Vous voulez dire que c’est la fin du confinement ?
— Ben, oui. Vous ne lisez vraiment pas la presse, hein.
— Non. Qu’est-ce qu’il vous faudrait ?
— Des livres !
— Proust ?
— Comment vous savez ?
— Je me souviens maintenant.
— Ah, ça vous est revenu ?
— Oui, mais je voulais être sûre. On a pas reçu de livraisons, mais j’en ai gardé quelques-uns.
— Qu’est-ce que vous avez ?
— Toute la Recherche.
— Toute ?! et vous appelez ça « quelques-uns » ?
— C’est pour une lecture personnelle.
— Comment ça ?
— Eh bien, j’avais commandé secrètement Proust en prévision…
— C’était donc vous !
— …et puisqu’on m’a rien dit sur le déconfinement, je crois que je vais rester confinée un petit moment, le temps que ça se tasse.
— Je vois. Vous m’envoyez le tome un ?
— De suite. Au revoir Monsieur.
— Au revoir Madame.
— Ah et Monsieur ?
— Plaît-il ?
— Vous passerez le bonjour à Gertrude de ma part.