— Alors, Aymeric, tu as appelé le magasin ?
— Oui, mais ils ont rien voulu savoir. A ce qu’il paraît, il faut attendre 15 jours.
— 15 de plus ou de moins, qu’est-ce que ça peut leur faire, à eux ?
— J’en sais foutument rien, Gerprude, mais…
— Puisque j’te dis que c’est Gertrude !
— Oui bon, c’est pareil. Et toi, tu leur as soutiré des infos ?
— Non, la concurrence reste rude. Je pensais que ça serait un avantage de bosser à la supérette d’à côté, mais enfin ! ils sont pénibles, au magasin.
—D’ailleurs je ne t’ai pas raconté, j’ai croisé Corrina hier, à 20h.
— Ah, et qu’est-ce qu’elle disait, Corrona ?
— Puisque j’te dis que c’est Corrina !
— Ouais, m’enfin on est toujours pas sortis de l’auberge avec celle-là. Elle disait quoi ?
— Elle disait qu’elle était sortie pour acheter son pain, et qu’elle aurait vu tout le monde en train d’applaudir.
— Bof, moi les applaudissements, ça fait longtemps que je les entends plus, avec mes problèmes d’audition. Déjà qu’en 40, j’entendais pas les obus…
— Gertrude, enfin !
— Un problème ?
— On est pas en 40 !
— Oh, tu sais, moi, les années…
— Tu devrais relire Proust.
— Tu m’as dit qu’ils en avaient pas.
— Ils auraient dû. J’ai demandé à Corrina.
— On ne sait jamais, avec Corrina.
— …
— …
— Gertrude, au fait, pour le camion, on fait comment ?
— On attendra qu’ils livrent tout.
— Et pour Patrick ?
— On attendra Patrick aussi. Ils se chargera du reste.
— …
— Au fait, ils applaudissent pour quoi, les gens, à 20h ?
— Il paraît que c’est pour les soignants.
— Mais les soignants de quoi ? Je les vois tous les jours et presque rien n’a changé.
— Gertrude, tu es chez toi avec des…
— Ne me fais pas la leçon, Aymeric !
— D’accord, mais tu ne sais pas…
— Je ne veux pas savoir !
— Bon, très bien. Mais quand il va s’en prendre à toi, tu sauras.
— Qui ça ?!
— Au revoir, Gertrude.