Haut les chœurs ! Cet article est la suite d’un précédent billet concernant la chanson Bob Dylan’s Dream. Si vous n’avez pas lu l’article précédent, je vous invite à le lire en cliquant sur le bouton ci-dessous :
While riding on a train goin’ west
Parolier : Bob Dylan
I fell asleep for to take my rest
I dreamed a dream that made me sad
Concerning myself and the first few friends I had
With half-damp eyes I stared to the room
Where my friends and I’d spent many an afternoon
Where we together weathered many a storm
Laughin’ and singin’ till the early hours of the morn
By the old wooden stove where our hats was hung
Our words was told, our songs was sung
Where we longed for nothin’ and were satisfied
Jokin’ and talkin’ about the world outside
With hungry hearts through the heat and cold
We never much thought we could get very old
We thought we could sit forever in fun
But our chances really was a million to one
As easy it was to tell black from white
It was all that easy to tell wrong from right
And our choices they was few so the thought never hit
That the one road we traveled would ever shatter or split
How many a year has passed and gone?
And many a gamble has been lost and won
And many a road taken by many a first friend
And each one I’ve never seen again
I wish, I wish, I wish in vain
That we could sit simply in that room again
Ten thousand dollars at the drop of a hat
I’d give it all gladly if our lives could be like that
L’inévitable passage du temps
Dès le quatrième couplet, Bob Dylan’s Dream a changé d’optique : le narrateur – ici Bob Dylan – ne raconte plus ses souvenirs de jeunesse, il ne les revit plus, mais les évoque avec un regard plus adulte, plus mature. Symboliquement, on pourrait dire que le temps a repris son cours, et que le train, désormais, file vers l’avenir sans que personne ne puisse regarder par ses fenêtres, qui sont celles du passé. Cela se remarque musicalement : les premiers ponts musicaux à l’harmonica apparaissent, signe que le narrateur est en proie aux vicissitudes du temps, mimées par la rythmique très particulière de l’harmonica. Dans le texte, on note la disparition des verbes d’actions au profit de verbe plus descriptifs, plus neutres : le narrateur est condamné à se rappeler sa jeunesse, et ne peut plus la vivre.
As easy it was to tell black from white
It was all that easy to tell wrong from rightAussi facile qu’il était de distinguer le noir du blanc
Il était tout aussi facile de distinguer le vrai du faux
Par la suite, cette prise de conscience de la fuite du temps prend de l’ampleur, de telle sorte que l’avant-dernier couplet marque une ellipse considérable par rapport aux souvenirs évoqués précédemment, comme s’il s’agissait d’une autre vie. En outre, à travers l’anaphore suivante,
How many a year has passed and gone?
And many a gamble has been lost and won
And many a road taken by many a first friendCombien d’années sont passées, parties ?
Et combien de paris furent gagnés et perdus
Et combien de routes empruntées par combien d'[e mes premiers] amis […]
on remarque que tout les événements qui se sont déroulés depuis cette période sont nombreux, mais finalement peu importants à côté de l’amitié qui, elle, est unique, en témoigne le « each » (« chacun », ici) qui vient rompre l’anaphore en « how many » (« combien ») :
And each one I’ve never seen again
Et je ne les ai plus jamais revus [chaque ami, ndr]
L’enfance perdue comme idéal
Le tout dernier couplet fait office de conclusion de la chanson. D’abord, Dylan s’attriste une dernière fois de cette époque perdue, regrettant la fameuse pièce du train, allégorie de sa jeunesse.
I wish, I wish, I wish in vain
That we could sit simply in that room againJ’espère, j’espère, j’espère en vain
Que nous puissions de nouveau nous asseoir dans cette pièce
Les deux derniers vers, enfin, tirent les leçons des précédents. Le narrateur n’essaye plus de revivre ses souvenirs, mais tente d’en tirer des principes de vie. La métaphore « at the drop of a hat » (« au creux d’un chapeau ») introduit un parallélisme avec le rêve américain, et le personnage de l’Oncle Sam. Cela reflète la beauté, l’espoir du rêve, mais aussi la désillusion qu’il apporte, lorsqu’on pense notamment aux immigrés irlandais arrivés dans les années 1860 à cause de la famine : ceux-ci furent parfois victimes d’un moins-disant social, et par conséquent mal payés.
Pour terminer sur une note plus positive (ou presque…!), au vu du dernier vers, on peut considérer Bob Dylan’s Dream comme une ode à l’amitié, à la simplicité, à la sincérité. Une ode à la musique, donc, teintée d’un léger pessimisme avec l’emploi du conditionnel, qui sous-entend, à la manière du Petit Prince, que les enfants mènent une vie meilleure que les adultes.
Ten thousand dollars at the drop of a hat
I’d give it all gladly if our lives could be like thatDix-mille dollars au creux d’un chapeau
Je les donnerais joyeusement si nous pouvions vivre ainsi
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