Les Cerises – Chapitre 4 : Gérard à rebours [Choix 2]

les cerises gérard

Qui l’eut crû ? Gérard, 68 ans mais pas encore à la retraite car il n’avait pas assez de points pour être à taux plein, villipendeur des canapés de son état (surtout quand il s’agissait du Cerisier, il fallait voir), devint le catalyseur d’un formidable bond en arrière, que même Monsieur Grapinet n’avait pas anticipé. Et pour cause : Gérard avait appuyé sur le bouton vert au lieu du bouton rouge, enclenchant ainsi l’horloge au lieu d’effectuer la traditionnelle vérification de l’arrêt du système, qui avait lieu tous les ans, et exceptionnellement en temps de crise. Le calendrier remonta, et l’an 3000, jusqu’ici lointain souvenir, devint réalité, immédiate et soudaine. L’horloge, qui définissait le temps dans tous le pays, remontait en effet le temps à la vitesse de 500 ans toutes les deux minutes : les spécialistes (il y en avait toujours) avaient calculé que dans moins d’un quart d’heure, Jésus Christ serait ainsi officiellement resuscité, ce qui promettait de beaux jours à la loi de 1905 sur l’Eglise et l’Etat. Ne parlons guère ici des pays voisins, qui contemplèrent cela d’un oeil effaré : quiconque, en effet, franchissait la frontière, était tué sur le coup et remplacé corporellement par l’ancêtre le moins éloigné sur le siècle passé.

Monsieur Grapinet disparut ainsi sous le pardessus trop grand d’un ancêtre enquêteur, qui mesurait bien deux mètres de haut. Le Cerisier disparut à la place d’une cerise, mais ça, on est incapables de vous l’expliquer. L’horloge elle-même disparu, si bien que le mécanisme qu’elle avait enclenché n’avait jamais commencé. Il restait Gérard, tout seul, sur une terre désolé. Personne à l’horizon, sauf peut-être un arbre, avec de drôles de fruits, ronds et rouge vermillon : vous voilà revenus au début de l’histoire.

 

Vous avez perdu ! Choisissez l’option qui vous convient :

Les Cerises – Chapitre 4 : A l’ombre des cerisiers en fleur [Choix 1]

Philippe Grapinet n’eut guère le choix, et s’avança d’un air monotone et curieux vers l’homme au chapeau melon qui, effectivement, s’appelait Jean-Jacques. Il n’arrivait pas à croire que ce fut lui, son ancien ami, ex-directeur du Train qui tourne en rond, que l’on recherchait pour avoir commis un tel forfait. Monsieur Grapinet, décontenancé par la présence de Jean-Jacques, lui répondit ainsi : « Cesse donc de faire parler ton costume, et explique-moi ce que tu fais là ». Le ton se voulait amical, mais l’homme au chapeau melon y sentit une pointe d’agressivité. « Je t’attendais. Il y a beaucoup de choses que tu dois savoir. Le Cerisier a parlé », et le visage de Monsieur Grapinet se couvrit d’effroi : l’opération du Temps des Cerises avait été déclenchées. On allait remettre les pendules à l’heure.

Jean-Jacques entraîna Philippe Grapinet dans l’arrière-boutique de la station essence, qui n’avait rien d’une arrière-boutique de station essence. S’y trouvaient en effet une multitude de sièges, où des gens munis d’une montre attendaient. Ce point surpris Monsieur Grapinet : les montres, interdites depuis l’arrêt des pendules. Et puis, elles étaient extrêmement difficiles à trouver, car elles donnaient l’heure officielle. Tous ces gens qui connaissaient l’heure regardaient fixement un écran blanc, et tous se levèrent à l’arrivée des deux hommes. Pas un mot, et chacun se rassis.

Grapinet pris place au premier rang, et Jean-Jacques lui expliqua qu’il avait volontairement commis ce forfait pour attirer son attention sur un problème bien plus grave. A ce moment, une porte s’ouvrit du fond de la salle, et l’homme qui avait été kidnappé entra, suivit de deux autres chargés de le surveiller. Ce n’était pas n’importe qui : cet homme était le dernier descendant des horlogers diatoniques, et hormis ceux qui travaillaient au Gouvernement, lui seul savait comment remettre le temps en marche.

Jean-Jacques s’adressa à l’assemblée. « Nous sommes réunis ici, en tant que Comité du Temps qui marche. J’ai sollicité l’aide, comme convenu avec le Cerisier, de la cellule résistante du Train qui tourne en rond. » Cette évocation provoqua quelques remous dans la salle, et l’homme kidnappé écarquilla les yeux. Jean-Jacques reprit. « De plus, nous avons ici un invité d’honneur : ce monsieur a échappé au recrutement obligatoire des horlogers. Il descend directement, avec huit générations d’écart, du grand Fernand Aiguille, maître horloger créateur de la pendule diatonique, et forcé à l’arrêt du temps de son vivant ! » Les gens avec des montres se levèrent d’un coup pour regarder cet homme, héros malgré lui. L’homme, très grand et très vieux, parla : « Je m’appelle Fernand Mikos Aiguille Junior, et j’ai besoin de vous ! »

Les Cerises – Chapitre 3 : Le policier qui faisait sa sieste [Choix 4]

Non loin du centre du village, le policier municipal Arnaud se reposait. Le lieu avait été choisit en connaissance de cause : le village de Lousoy-en-Chapuis, bordé d’une forêt, offrait une parfaite communion avec la nature. D’autant plus qu’une clairière avait été aménagée pour répondre aux plaintes des villageois historiques, qui se plaignaient de ne pas avoir «d’espace de repos ouvert à la détente et à la convivialité», espace qui existait désormais depuis plus de cent ans.

Le policier municipal Arnaud, donc, se reposait, les pieds dans les glaïeuls. La ville était déserte, mais dans la clairière, très peuplée par endroit, une ambiance animée régnait. Au loin, on entendait une guitare jouer Dans mes poches, un tube réputé campagnard, pourtant fort agréable, du moins pour la sieste. C’est ce que se disait le policier municipal Arnaud en fouillant machinalement dans ses poches à lui. Il n’y trouva que la toile de son pantalon. Ce qui, dans un premier temps, l’éveilla. Il fouilla de nouveau : son revolver manquait. Il fut d’un coup tout à fait réveillé et paniqué. Il se leva, tintinnabulant de jurons, encore fatigué, chancela, et se cogna contre un arbre. Malheureusement pour lui, il ne vit pas les cerises qui en tombèrent.

Avant de perdre connaissance, le policier municipal Arnaud vit les cerises tombées au sol s’animer soudain, et crut voir de drôles de gens en sortir. Il se dit qu’il rêvait sans doute, et se rendormi, à cause du choc et de la fatigue. Mais Arnaud ne rêvait pas : des gens étaient sortis des cerises. Ces gens l’emmenèrent quelque part. Personne ne remarqua leur présence. Pas plus qu’ils n’avaient remarqué que les cerises n’étaient pas des cerises.

Les Cerises – Chapitre 3 : Le mot de passe [Choix 3]

Philippe Grapinet en avait marre d’attendre, même si le temps était suspendu, ce qui signifiait que la notion d’attendre, justement, ne signifiait plus rien. La notion d’attente, elle aussi, était suspendue. Et pourtant, selon l’heure du Gouvernement, ou «heure officielle», il attendait bien depuis vingt minutes à la boulangerie de la ville la plus proche pour demander le mot de passe.

Les boulangeries, grâce à de très puissants syndicats, avaient réussi l’exploit d’être catégorisées comme «essentielles à l’humanité», ce qui leur permettait de poursuivre en toute quiétude leurs activités. Même si, du goût de Monsieur Grapinet, leur «essentialité», comme on disait au Gouvernement, était quelque peu contestable. Toutefois, même si le temps prenait sa pause, les gens, eux, continuaient leurs jérémiades. Il vit ainsi défiler, pendant la vingtaine de minutes mentionnées en sus, un grand-père sourd de l’oreille gauche qui comprenait «pataud» au lieu de «gâteau» et qui, se sentant personnellement insulté, rejoua Desproges au boulanger, plutôt amateur de Coluche. Monsieur Grapinet vit aussi défiler cette dame, avec son parapluie en plein mois d’Août (ou de Juillet, ou peut-être de Mars, avec ce fichu climat, on ne savait plus trop), qui réclama un gâteau justement, mais à la cerise, et on lui dit qu’il n’y avait pas de cerises. Il vit défiler ce petit garçon, entre six et huit ans, qui, visiblement affamé par ses heures de classe, fit l’effort de dépasser tout le monde, mais le boulanger ne voulut rien savoir et le remit à sa place. Même s’il était d’accord, lui aussi, pour dire que l’ennui, ça creuse. Le gamin sourit : il attendit. Il vit lui-même défiler sa mère, sa sœur, et son grand-frère, qui vinrent successivement s’enquérir de sa journée. C’était ainsi, le temps suspendu : on se retrouvait comme on pouvait, où on pouvait, sans se préoccuper de l’heure. Il vit, enfin, ce jeune homme pressé, affairé, pressurisé, même, qui travaillait sans doute au Gouvernement. Il partit sans payer, sans dire au revoir, comme il était arrivé sans parler, sans dire bonjour. D’ailleurs, il rentrait chez lui sans avoir rien acheté. «C’est aussi ça, les mystères du temps, songea Philippe Grapinet. Parfois, les gens viennent et repartent, sans aucune raison».

Puis vint son tour. Lui aussi repartit sans rien acheter. Mais au lieu de repartir chez lui, il se glissa dans l’arrière-boutique. Le boulanger l’avait reconnu : c’était l’homme qui travaillait pour le Cerisier, et enquêtait sur la fausse pastèque (enfin, «fausse» d’après les journaux). D’ailleurs, il avait discrètement commandé un gâteau à la pastèque, lorsque ç’avait été son tour. On n’était jamais trop prudent : qui sait ce que les pendules dirigeantes pouvaient nous réserver. Le boulanger avait donc convenu d’un mot de passe : pastèque. Et gare aux usurpateurs. Quand à la cerise-pastèque retrouvée chez l’homme disparu, ni le boulanger, ni Monsieur Grapinet n’étaient intrigués. Il ne s’agissait sûrement pas d’une cerise. Et encore moins d’une pastèque.

Les Cerises – Chapitre 3 : Le Skyline Building [Choix 2]

Pendant que le wagon volait tranquillement au-dessus des nuages, en route vers ce village dont Monsieur Grapinet n’avait pas retenu le nom, le fameux Gouvernement, son grand ami, s’activait pour «remettre les pendules à l’heure». Mais pas exactement au sens où chacun l’entendait.

Dans le Skyline Building – siège du Gouvernement, cadeau des Américains qui imposait l’ombre de sa flèche sur toute la ville – les mécaniciens s’activaient. Et il y en avait beaucoup, des mécaniciens. Ce qui donnait à voir, à travers les murs en verre, des dizaines d’ombres qui entrecoupaient sans cesse les rayons du soleil, de telle sorte que, même au beau milieu de l’après-midi (d’après l’heure officielle), la moitié de la capitale était déjà à l’ombre. Il faut dire que le temps pressait : on avait décidé en haut-lieu d’une opération secrète visant le Cerisier, l’employeur tout à fait officieux de Philippe Grapinet. Et personne, en réalité, ne comptait remettre en route les pendules du pays, déjà arrêtées depuis bien longtemps afin de mieux contenir la population. Or, il s’avérait probable que le Cerisier eut été informé de l’opération avant même son déclenchement; on rapportait même, selon un employé du Skyline, que ce dernier avait désormais connaissance de l’heure officielle, pourtant classée secret défense. Ces informations, bien entendu, n’arrivèrent pas jusque dans la presse, et on se garda bien d’en faire mention.

Mais il fallait faire quelque chose. Car si le Cerisier connaissait l’heure officielle, la Police n’aurait guère de chance de mener à bien son opération. Et le Gouvernement était prêt à tout pour l’arrêter. Pas le choix, donc : la consigne avait été lancée de modifier l’heure officielle. Oh, personne ne s’en préoccuperait ! Il s’agissait de suspendre durant quelques dizaines de secondes les pendules diatoniques, cela suffirait aux services secrets, très au courant des manœuvres à effectuer, pou réussir leur coup. Voilà, donc, à quoi s’affairait les mécaniciens : à changer l’heure. Mais, diriez-vous, que dans une telle technologie, l’an 3000 loin derrière, on arrêtait le temps comme on arrêtait un micro-ondes. Pas du tout ! disait un influenceur célèbre du millénaire dernier. La technologie était si complexe qu’un arrêt automatique aurait provoqué une panne dans tout le pays. Justement, ici, il s’agissait d’être discret.

Seulement voilà. Il y avait les mécaniciens. Il y avait les responsables, qui fixaient les pendules d’un œil anxieux. Il y avait les autres, qui finissaient leur journée de travail péniblement. Et puis, il y avait Gérard. Et Gérard a décidé d’y mettre son grain de sel. Et c’est là que ça a mal tourné. Très mal tourné. Oui, vous l’avez deviné : les pendules ont commencé à tourner à l’envers.

C’est à vous de choisir !

Les Cerises – Chapitre 3 : Jean-Jacques et l’étrange chapeau [Choix 1]

L’auguste contrée d’Epreville-en-Roumois, paisible bourgade de Normandie, n’était jusqu’à présent pas réputée pour son vacarme, mais plutôt pour l’ambiance décontractée et fort calme qui y régnait. L’arrivée du wagon de Philippe Grapinet se fit dans une cohue-bohue telle que le Maire du village en personne fit le déplacement, afin de voir ce qui se tramait.

C’était le premier revers pour l’équipe de Monsieur Grapinet, qui s’était promis d’être discret. Fort heureusement, cette relative discrétion se limita à quelques brèves dans les pages locales, car on fit vite comprendre à Monsieur le Maire que si l’incident s’ébruitait, il aurait des problèmes. La scène, pourtant, était cocasse.

Le wagon avait atterri au beau milieu d’un massif d’épineux, un peu avant midi selon l’heure solaire, de telle sorte qu’une ombre avait longtemps plané au-dessus du village, faisant craindre le pire aux éprevillais qui s’étaient massés en contrebas. Le wagon, s’il ne souffrait d’aucun dommage à l’intérieur, paraissait fortement endommagé de l’extérieur, de tel sorte que l’habillage confectionné par les membres du train qui tourne en rond avait largement perdu de sa superbe. Des lambris de bois, en effet, jonchaient le sol, se mêlant aux branches d’arbres arrachées par le wagon. Le portrait-robot de l’homme au chapeau melon fut transmis à tout les habitants du village. Monsieur Grapinet se mit à sa recherche. Il ne fut pas déçu.

Au détour de l’artère principale se trouvait une station essence, tout à fait banale, où seuls deux véhicules stationnaient. A côté de l’un d’eux, une Chevrolet vintage venue de temps reculés, un homme fumait la pipe. Il arborait un costume anglais, avec un nœud papillon. Une canne en acacia reposait à son côté. Malgré son aspect rondouillard, Monsieur Grapinet devinait qu’il avait maigri. L’homme, sentant une présence arriver, leva la tête. Son chapeau melon, impeccable, ne broncha pas. Il parla. Entendons-nous bien : le chapeau parla. Avec une étonnante assurance : «Alors Philippe, tu ne dis pas bonjour à ton vieux pote Jean-Jacques ?»

Les Cerises – Chapitre 2 : La Pause du Gouvernement [Choix 2]

Il faut dire que depuis la Grande Déroute climatique, le Gouvernement n’avait eu d’autre choix que d’utiliser la technologie dite «de la pause». Un moyen que tous les présidents qui s’étaient succédés depuis l’an 3000 avaient juré de ne pas utiliser. Tous, sauf lui, qu’on avait rappelé parce que personne d’autre ne voulait venir. Et surtout, parce que personne d’autre ne voulait faire ça.

Car oui, «la pause» était certes un mécanisme de sauvegarde de l’humanité, du moins en grande partie, mais il était surtout destructeur de toute l’organisation sociétale. En effet, hormis dans de petites bourgades comme Lousoy-en-Chapuis, où les activités étaient peu nombreuses, les grandes villes avaient l’obligation de cesser toute activité qui n’était pas essentielle à leur survie. Mais ce ne sont là que les conséquences de « la pause ».

Car l’ampleur exacte de «la pause», c’est autre chose, autre chose de beaucoup plus ennuyeux, de plus pernicieux. Surtout pour ceux qui n’ont pas de montre. Et hormis dans les petites bourgades comme Lousoy-en-Chapuis, on avait depuis bien longtemps étouffé le son des clochers pour faire des économies. Et pour faire des économies, on n’était pas pressés de les remettre en place. Ce qui signifiait que les trois quarts des villes du pays, à l’heure de «la pause», vivaient dans un temps suspendu. Tous ceux qui n’avaient pas connaissance de l’heure réelle ne subissaient pas l’impact du temps. A la radio, on prévenait, bien sûr, que cela pourrait à terme occasionner des différences de vieillissement, et on commençait à s’interroger sur les répercussions génétiques de «la pause».

Mais le Gouvernement le disait : «la pause», c’est pour le bien du climat, de la planète, et donc de l’humanité. «Eh oui, les temps changent» songea Monsieur Grapinet, qui trouvait extraordinaire que Bob Dylan ait déjà anticipé cela en 1964 avec The Times They Are A-Changin’. Sa déception reprit cependant le dessus car en 1964, on pouvait croire que le monde se tournerait vers un avenir meilleur, contrairement à aujourd’hui. 1964, en comparaison, c’était Byzance, c’était un monde utopique.

Mais il faut croire que les temps changent…

C’est à vous de choisir !

Les Cerises – Chapitre 2 : Le train qui tourne en rond [Choix 1]

Monsieur Grapinet, de son prénom Philippe, était contre-enquêteur pour le compte du Cerisier, et membre du train qui tourne en rond. Son métier était de repérer, par l’intermédiaire des journaux et des petites annonces, ceux qui disparaissaient et laissaient leur place à des cerises. Le Gouvernement, bien entendu, laissait croire à quiconque voulait l’entendre que ces méfaits étaient l’oeuvre d’une organisation secrète. C’est pourquoi la Police luttait en permanence contre des gens de la trempe de Monsieur Grapinet, ce qui expliquait aussi sa mauvaise réputation.

Toutefois, à la différence des policiers, Monsieur Grapinet n’opérait pas seul. En effet, si nombre de gens disparaissaient en laissant derrière eux une cerise, il y avait de fortes chances pour que ce fut un coup du Cerisier, intéressé par eux pour d’obscures raisons. Et retrouver ces « disparus » n’était pas chose facile : en plus de la traque permanente du Gouvernement, Monsieur Grapinet et son équipe faisaient face aux aléas des humeurs du Cerisier : le disparu pouvait se retrouver proche du village, ou au contraire à des milliers de kilomètres. C’était là l’utilité du train qui tourne en rond.

Le train qui tourne en rond, vous vous en doutez, ne tourne pas vraiment rond. Il faut dire que depuis la suspension du temps il y a un an, la locomotive, qui fonctionnait toujours au charbon, et ses quatre wagons demeuraient enfermés sur une boucle qui faisait le tour du village. Les autres aiguillages, malheureusement, semblaient bloqués indéfiniment. La mission de l’équipe du train, dont Monsieur Grapinet dirigeait les opérations, consistait à retrouver les « disparus » pour les amener au Cerisier avant la Police.

Monsieur Grapinet grimpa d’un pas lourd dans le train qui tourne en rond. Celui-ci, bien que rustre de l’extérieur, avait traversé les âges, et nul ne se doutait que la naïve charpente de bois renfermait un blindage de plomb malléable des plus modernes. Il arriva devant wagon de propulsion, accessible seulement à une petite partie de l’équipe. Saluant ses collègues, il demanda : « Bien, où va-t-on aujourd’hui ?

-Le disparu au chapeau melon a été aperçu par l’un de nos radars à Epreville-en-Roumois, répondit Anton, le chargé des commissions radars.

Philippe Grapinet fronça les sourcils :

-Où c’est qu’ça perche ça, Epreville machin-chose ?

-En Normandie Monsieur, à seulement cinq cent kilomètres d’ici. Avec la puissance du wagon, vous y serez dans dix minutes. La Police est sur le coup, mais ne l’a pas encore localisé précisément, ce qui nous donne de l’avance. Tenez, voilà l’adresse où il a atterri. »

Monsieur Grapinet attrapa le bout de papier que lui tendit son assistant, mémorisa l’adresse, puis il alluma sa pipe en se servant du papier comme combustible. Personne, en effet, ne devait mettre la main sur les « adresses » des disparus, hautement confidentielles. Si quelqu’un s’apercevait que l’on avait temporairement envoyé une personne innocente dans l’Air pour la remplacer par un « disparu », le train qui tourne en rond serait contraint de ne plus tourner du tout.

Sur ces pensées, Philippe Grapinet monta dans le wagon de propulsion. Un décompte se fit entendre, puis un bourdonnement, et puis plus rien. Il regarda par la fenêtre : il ne voyait que des nuages. Le wagon était en route.

C’est à vous de choisir !

Les Cerises – Chapitre 1 : Il était écrit…

Monsieur Grapinet habitait le lointain et paisible village de Lousoy-en-Chapuis. Assis sur un banc de la place principale, Monsieur Grapinet lisait le journal local, lorsqu’une page retint son attention. Il était écrit :

Un homme n’a pas été retrouvé. On a trouvé une cerise de la taille d’une pastèque à son domicile. Quiconque disposant d’informations sur cet homme est invité à contacter la POLICE.

S’ensuivait un portait physique de cet homme : une quarantaine d’années, rondouillard, portant une moustache et un chapeau melon, et s’appuyant sur une canne. Cheveux bruns, visage atypique. Démarche dynamique. Et c’était tout. Monsieur Grapinet soupira : encore une affaire qu’il devrait résoudre avant que cela ne dégénère. Il y avait peu d’espoir, cependant : la police écarterait tous ceux qui se montreraient un tantinet curieux.

Il referma le journal. Dix heures sonnaient au clocher, dont on trouvait suspect qu’il ne s’écroula pas à la moindre bourrasque de vent. Le clocher, en effet, constituait le seul moyen de connaître l’heure au village, depuis que le Gouvernement avait décidé de « suspendre les pendules pour la sûreté de la population ». On avait, bien entendu, rit au nez du Président qui, pour faire bonne mesure, avait présenté sa démission. Comme on ne trouvait personne pour le remplacer, on l’avait fait revenir une semaine après, pour « remettre les pendules à l’heure », selon un proche du dossier.

Monsieur Grapinet regarda à nouveau l’annonce qui mentionnait l’homme disparu. Evidemment, on suspectait un enlèvement, mais sans idée aucune du jour ni de l’heure du crime. L’homme, pour n’y rien arranger, vivait seul. Et Monsieur Grapinet devrait, encore une fois, manœuvrer seul, lui aussi. Tant pis si la Police ne trouve rien. Tant pis pour ses collaborateurs, et tant mieux pour lui. Il quitta son banc, et partit en direction de son domicile, le journal à la main. Seul. Enfin, il disait « seul », mais en réalité…

C’est à vous de choisir !

Les Cerises – Un thriller interactif

Bienvenue dans ce thriller interactif !

Le fonctionnement est simple : l’histoire va débuter ci-dessous. Vous lisez tranquillement quand soudain, des choix se présenteront à vous. Il vous faudra en choisir un – et un seul ! – pour poursuivre l’histoire. Avant de commencer, quelques petites indications à suivre pour mieux apprécier cette histoire :

  • Certains choix pourrons se révéler fatals, soit pour un personnage, soit pour l’histoire elle-même. Songez bien à l’intrigue avant de choisir !
  • Chaque choix vous mènera vers un autre article où l’histoire se poursuit, un autre chapitre. Il est très important de respecter cet ordre afin de conserver la cohérence de l’histoire, et d’éviter le spoil ! (pour les non-anglophones : spoil = révélation prématurée de l’intrigue)
  • Si vous êtes perdu, reportez-vous au titre des articles, qui seront numérotés par ordre chronologiques. Cependant, je vous conseillerais vivement de reprendre l’histoire à zéro !
  • Enfin, cette histoire peut être lue et relue autant de fois que vous le souhaitez : il vous est donc possible d’accéder à tous les dénouements. Merci de ne pas révéler des détails importants dans les commentaires, afin de ne pas gâcher l’expérience des nouveaux lecteurs !