Le Bac

C’est curieux, tout de même. On nous proposait, il y a des années de cela, de quitter sagement les bacs à sable pour sortir du bassin de la petite enfance et nous plonger dans le grand bain de l’enfance tout court qui, à l’époque, nous semblait si mystérieuse. Et voilà que, une quinzaine d’années plus tard, pour clôturer notre (long !) passage dans l’enseignement secondaire, pour symboliser notre « prise de maturité intellectuelle », on nous propose à nouveau d’entrer dans le Bac !

Eh ! Quoi ! Le Bac ! Encore ! Il faut dire que le bac à sable, ici, est bien plus imposant. Et les jouets qui l’accompagnent bien plus sophistiqués : fiches, annales, vidéos humoristiques d’un côté, familles, amis, et distractions en tout genre de l’autre, et quoique les deux se rencontrassent parfois, rien n’est laissé au hasard pour que l’enfant (ou plutôt, le lycéen, mais l’objectif est le même) se sente à la fois accompagné et soit suffisamment impliqué dans la besogne par la présence de stimulis, certes moins enfantins a priori qu’un râteau ou une pelle, mais tout aussi efficaces.

Précisons, tout de même, quelque chose. Ou plutôt, attardons-nous, sur quelque chose. Le baccalauréat, dans son appellation complète, fait la part belle aux « lauréats », que nous omettons d’ailleurs de nommer la plupart du temps. Très significatif, cet oubli, cet écorchement populaire du mot. Car oui, lauréat, mais de quoi ? D’un bac à sable remastérisé ? D’un bout de papier mention très bien ? D’une année dont on retient davantage les frasques professorales (souvent légitimes, il faut le souligner) que les heures servant à nous expliquer les dynamiques spatiales américaines ? C’est dire si l’image de « lauréat » a largement décliné dans notre société contemporaine française, image à laquelle on privilégie l’expression :

Le bac en poche.

L’année de Terminale, décidément, est bien peu remplie. Car les préoccupations principales de tout accompagnant à l’élève, ce ne sont rien de moins que le futur. Le futur, ce petit mot fuyant qui désigne l’immensité de l’avenir qui approche, voilà qui est essentiel. Et ce que l’on y fera, surtout, intéresse grandement le parterre lycéen. Bien plus, parfois, que le lycéen lui-même.

En effet, toutes, des professeurs aux conseillers d’orientation (lorsqu’ils existent, c’est dire…), en passant par la famille, toutes ces gens ma foi tout à fait bienveillantes expriment le souhait que les lycéens sachent ce qu’ils veulent. Et ce tandis qu’on nous batine la conscience avec le fait que :

Savoir ce que nous voulons pourrait potentiellement nous aider dans la vie.

Mais l’Etat, le Ministère de l’Education Nationale, à travers leurs amphigouris démocratiques, ne savent toujours pas, eux, s’ils veulent que le monde demain soit arpenté par des adultes ou idéalisé par des enfants. On leur souhaite de prendre leur décision au plus vite.

La rentrée

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La première chose qui me vient à l’esprit, lorsque j’entends ce mot synonyme de marronnier journalistique, c’est : pourquoi ? Oui, pourquoi avoir créé une telle journée qui, indépendamment du fait de nous faire émerger brutalement de nos vacances, n’a d’autres buts, pour moi qui entame ma dernière année de lycée à l’heure où j’écris ces lignes, que d’accomplir des formalités dont nous nous passerions volontiers. Mais puisque nous sommes encore imprégnés des dernières — et je l’espère éternelles — marques d’optimisme de l’enfance, penchons-nous en premier lieu sur les aspects positifs de ladite rentrée. Tout d’abord, on revoie ses amours, ses amis, ses ennemis aussi, bref, on revoie toutes celles et ceux qu’on avait pas croisé pendant deux mois. Secondement, la rentrée, pour nous élèves mais également pour nos très chers et bien-aimés professeurs, ne dure qu’une heure. Cela laisse présumer, tout de même, de l’utilité de l’événement, que nous allons aborder par la suite.

La suite, justement, nous y voilà. Abordons maintenant les questions dites « qui fâchent ». Commençons par préciser que le terme est désuet. En effet, pour quiconque ne redouble pas une classe, on « entre » dans une autre classe pour la première fois : il est donc impossible de « rentrer » stricto sensu. Cependant, l’essentiel du problème de la rentrée réside dans son aspect psychologique : pour un élève, quel que soit son âge, il est bien rare que celui-ci veuillent spontanément quitter ses vacances. Ainsi, la rentrée est, de fait, peu engageante de part sa pénibilité. De plus, plutôt que de nous faire assimiler l’école (en général, tous niveaux confondus) à quelque chose d’utile et de nécessaire — du moins sur la forme, il n’est pas question ici de disserter en profondeur quant à l’enseignement français — la rentrée fait prendre au retour de vacances une importance démesurée et dérisoire, faisant d’un simple retour à la normale pour les élèves une sorte de corvée obligatoire aussi rebutante que l’oeuvre littéraire de François Mauriac : un manque cruel d’action qui pourrait, le cas échéant, susciter l’intérêt des gens qui y participent.