Les Vieux Normands – Chapitre 2 : Ils ont eu des problèmes

couverture Les Vieux Normands

Des cris s’élevèrent soudain, et tous ces gens sortirent d’on ne sait où de multiples sachets contenant une évidente poudre blanche. Certains, en revanche, avaient les mains vides et s’aventuraient discrètement derrière la sorte de terrier, en passant par un petit chemin, un « cheminard » comme le disaient souvent certains campagnards. Leur attitude acheva de mettre Albert sur ses gardes : eux étaient pressés, et voulaient de toute évidence qu’on ne les remarque pas. Le journaliste les suivit, tout heureux d’avoir découvert un moyen d’avancer dans son enquête, pour peut-être retrouver sa grand-mère.

Le sentier s’enfonçait dans la forêt, puis décrivait une spirale avant de s’enfoncer légèrement dans une sombre cavité, où régnait quelque odeur peu ragoûtante. Le sol devenait plus dur, la terre laissant place à la pierre. Des toiles d’araignées apparaissaient par dizaines, freinant Albert dans sa progression. Guidé par des cliquetis entendus au loin, il finit par atteindre une sorte de cul-de-sac. Interloqué, il voulut faire demi-tour lorsqu’il rencontra par mégarde un interrupteur : celui-ci fit pivoter une petite porte en bois, invisible au premier abord. Albert se glissa par l’ouverture, Snipiou recroquevillé sur son épaule. Il entendit de nouveau les cliquetis, mêlés cette fois-ci à des éclats de voix et des tintements de verre. Là, le couloir laissait place à une salle, encombrée par de nombreux cartons, au milieu de laquelle trônait une table de fer.

Albert se figea : parmi des dealers, voyous, espions, et autres bandits de grand chemin se tenait, assise fièrement et dominant toute la tablée de son regard assidu, sa grand-mère. Il ignorait qu’elle savait jouer au poker, ou même qu’elle connût l’existence d’un autre jeu que le rami. Songeant qu’il connaissait désormais l’origine des cliquetis, il réalisa que cette sonorité coïncidait étrangement bien avec la face cachée de sa grand-mère. Le petit-fils se rappela avec quelle véhémence sa mère lui avait répété que ses grands-parents, « décédés avant sa naissance », étaient des gens « discrets, qui faisaient peu parler d’eux ». Il comprit à cet instant que sa mère voulait le protéger, ne pas le mêler aux affaires de ses grands-parents, du moins de sa grand-mère, dont il venait de découvrir la sombre existence.

Brusquement tiré de sa rêverie par un cri virulent, Albert réalisa soudain qu’il n’était pas invité en ces lieux lugubres. Jetant un dernier regard sur les convives, toujours concentrés sur leur partie de poker, il grava dans sa mémoire le souvenir de ce lieu si impromptu. A ce moment précis, il aperçu un mouvement furtif sur sa gauche, une ombre qui se dirigeait vers lui. Il pressa le pas, se mouvant innocemment vers la sortie. Mais l’ombre se rapprochait. Inexorablement. Alors, il se mit à courir, tentant de rabattre à la volée les toiles d’araignées qui le ralentissaient. Mais l’ombre le suivait sans efforts. Galopant de plus belle, il tenta de semer son poursuivant en slalomant au hasard dans le village. Albert savait qu’il risquait de se perdre, mais aussi qu’il devait rentrer sain et sauf à l’auberge. Il dû parcourir l’entièreté du village, passant de minuscules demeures normandes à une étendue verte et vide, puis se dessina une lueur au loin, l’unique bar du village…puis son auberge. « Enfin », pensa Albert. Il s’y engouffra, sous le regard ébahi du réceptionniste, et entra dans sa chambre en refermant précipitamment la porte. Puis, malgré lui, il s’effondra sur son lit, exténué.

Albert se réveilla en sursaut ; ou plus exactement, quelqu’un frappa à la porte et le fit sursauter ce qui, du même coup, le réveilla. De son crâne émanait une douleur fulgurante, et son état actuel ne laissait pas envisager qu’il puisse recevoir un quelconque visiteur. Le soleil pointait à peine par la fenêtre lorsqu’il ouvrit la porte. Étonné d’abord de ne voir personne aux alentours, il se pencha ensuite pour ramasser une enveloppe noire, qui ne portait aucune inscription. S’asseyant à son bureau, il entreprit de l’ouvrir avec soin : elle contenait seulement un message, écrit visiblement à l’ordinateur, qui disait : « Rendez-vous avancé. Problèmes urgents. Dimanche 14 Avril 2017, cinq heures, à l’aube. Soyez là. » Cette nouvelle mina davantage le moral d’Albert : un rendez-vous avec des inconnus, en pleine nuit, dans un bar supposé être fermé. La tournure des événements l’inquiétait, et il ne savait pas quoi penser au sujet du message : était-ce une provocation ? L’auteur de la lettre parlait du « rendez-vous », c’était donc fort probable que ce soit cette même personne qui l’avait appelé, la même, d’ailleurs, qui l’avait contraint à venir au village, et qui continuait de le mettre en danger par des menaces comme celle-ci.

Mais le journaliste garda son sang-froid : c’était lui qui s’était embarqué dans cette histoire, et il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. Alors que ces pensées le tourmentaient, un détail attira son attention : « problèmes urgents ». Quelque chose ne s’était pas déroulé comme prévu, et Albert pensa aussitôt à sa découverte de la maison, et à la poursuite qui s’en était suivie : les trafiquants se tenaient désormais sur leurs gardes, prêts à tout si leurs activités se trouvaient menacées. Le rendez-vous allait être crucial, puisqu’il désirait avant tout connaître l’origine du message. Il savait qu’analyser la typographie de la lettre lui permettrait de savoir sur quel ordinateur la lettre avait été tapée, et ainsi le retrouver par géolocalisation, ce qui le mènerait à son propriétaire. Cependant, il avait besoin d’un élément capital pour mener à bien sa mission : une simple connexion à Internet. Et l’auberge où il logeait n’en fournissait pas. Alors une idée qui lui sembla lumineuse vint éclairer son esprit : le Vieux Normand, bistrot réputé dans la région situé à quelques pas de l’auberge, proposait sûrement un accès à Internet gratuit. Cette visite au bar lui permettrait aussi de réaliser un état des lieux, et ainsi repérer les éventuels recoins d’où pourraient arriver les inconnus qu’il s’apprêtait à rencontrer.

C’est donc avec un nouvel entrain que le journaliste partit en direction du bar ; il enfila son pardessus, un cadeau de sa femme, et pensa soudain à elle, et à ses deux enfants, Quid et Juliette. Connaissant Camille, elle devait être inquiète, et devait se démener pour rassurer ses deux enfants. Albert se sentit soudain reconnaissant envers elle, et, d’une certaine façon, un peu honteux de la mettre à l’écart ainsi. Mais c’était pour son bien, et mieux valait ne pas prendre de risques. D’ailleurs, sans nouvelles de l’avancement de son enquête, elle avait sans doute appelé la Police, qui devait être à sa recherche. « Raison de plus pour régler cette affaire au plus vite », s’intima Albert, avant de sortir, laissant Snipiou caqueter seul dans la pénombre.

Les Vieux Normands – Chapitre 1 : Albert

couverture Les Vieux Normands

Albert termina son café. Il se leva, et partit en direction de son bureau, situé à l’autre extrémité de l’open-space. Une brume étrange régnait au dehors ; Albert n’avait guère envie de rentrer chez lui, et préférait toujours rester travailler. Jetant un dernier regard à quelque aventureux passant qui se risquait à l’extérieur, il se plongea dans ses archives.

Albert, trente ans, était journaliste d’investigation à Libération, « Libé », comme on disait dans son jargon. C’était sa dernière après-midi au journal avant longtemps, après quoi il prendrait le train en direction de Bréauté, le village natal de ses grands-parents, pour y mener diverses recherches concernant une sombre affaire, connue depuis plusieurs années, et non résolue à ce jour. Le dossier était désormais qualifié de « poussiéreux », lors des rares occasions où on le nommait. Celui-ci lui tenait particulièrement à cœur, puisque d’autres avaient découvert avant lui que sa grand-mère, centenaire, et dont il était sans nouvelle depuis longtemps, était à la tête d’une importante organisation criminelle, constituée de braqueurs de banque, et qui terrorisait tout le monde jusqu’aux confins de la Normandie. Cette affaire, «l’affaire Bréauté », avait longtemps été à l’origine de feuilletons dans la presse nationale, avant de sombrer dans l’oubli à cause des échecs répétés des enquêteurs.

Alors qu’Albert écumait ses derniers restes de paperasse, son portable se mit à vibrer : le numéro lui était inconnu. Il décrocha tout de même, méfiant.  Une voix, qui lui paru très proche, souffla dans l’appareil : « Dans deux jours. Au Vieux Normand. Quinze heures ». Et ce fut tout. Albert réfléchit posément, tentant de conserver son calme : « Dans deux jours », cela signifiait un Dimanche, le 14 Avril. Or, quelque chose clochait : le Vieux Normand était l’unique bistrot de Bréauté, fermé tous les Dimanches. Plusieurs interrogations envahirent subitement son esprit : qui était cette personne au téléphone ? Il n’avait pas réussi à distinguer s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme ; de plus, comment son interlocuteur connaissait-il sa destination ? Et, plus inquiétant encore, quoi, ou plutôt qui, pouvait bien l’attendre là-bas ? Il ne connaissait personne, hormis sa grand-mère, qui habitât Bréauté. Cette pensée le fit frissonner, d’autant que la voix ne lui avait pas semblé amicale, ni même bienveillante. Malgré l’angoisse qui le tiraillait, son caractère impulsif le força à prendre une décision : il irait. Seul. Et tant pis s’il n’en revenait pas. « Pas un mot à qui que ce soit, excepté aux membres de la rédaction », pensa-t-il. Albert voulait régler cette affaire seul, pour éviter de mettre en danger son entourage, et notamment sa femme, Camille. En proie à une vive inquiétude, il quitta son bureau la mine sombre et renfrognée, sous les regards étonnés de ses collègues.

Le soir, vers vingt heures, Albert arriva à la Gare de Bréauté. Le village n’avait que très peu changé depuis son enfance, il reconnaissait la petite allée qui bordait la gare, le porche de bois près du quai, sur lequel quelques oiseaux folâtraient, et le train, serpent métallique à l’aspect peu réjouissant. Enfin, le quai, comme dans ses souvenirs, demeurait désert. Un caquètement se fit soudain entendre : Albert sursauta en réalisant qu’il aurait pu oublier celui qui, pour le moment, était son unique compagnon. Il sortit donc une cage de sa valise, et en tira doucement Snipiou, son perroquet. « Bien… Hâtons-nous de trouver l’auberge. Nous avons du travail », murmura-t-il à son perroquet autant qu’à lui-même. Tandis que dans son dos, à quelques mètres de là, une silhouette emboîta furtivement le pas du journaliste, et informa, par téléphone, une mystérieuse personne de l’arrivée d’Albert.

Alors qu’il marchait en direction de l’auberge, Albert eu l’impression de sentir une présence derrière lui. Il se retourna vivement, mais, derrière les chênes qui l’entouraient, il ne distingua que la silhouette de la Gare. Cette sensation désagréable renforça le malaise du journaliste, qui pourtant s’attendait à une enquête agitée. Il arriva finalement à l’auberge, déposa ses affaires tout en inspectant la chambre, sobre et agréable : cela lui convenait, il passerait probablement l’essentiel de son temps à barouder alentour. Le journaliste d’investigation avait d’ailleurs prévu de gagner Fécamp le lendemain par la route, afin de repérer les environs plus en détail. Allongé sur le lit, il céda à son engagement et appela Camille ; soulagé d’entendre la messagerie plutôt que de devoir l’appeler directement, il lui laissa un message, l’informant finalement qu’il était parti à Bréauté. Puis il se remémora son objectif : il avait prévu, dans l’immédiat, de se reposer. Cependant, poussé par une insatiable curiosité, il décida qu’il irait finalement explorer les environs dans la soirée, quitte à quémander des informations aux commerçants de la région, voire aux rares habitants qui daigneraient lui répondre. Ces gens-là étaient sans doute les mieux informés sur les événements passés.

Albert, qui se remémorait petit à petit le village de Bréauté, s’attarda davantage sur les ruelles qu’il traversa et, en passant devant le clocher, il s’aperçut que celui-ci contenait sans difficulté l’écume du temps qui marquait pourtant l’ensemble de la ville. Son clocher, qui n’avait subi aucune érosion, pointait tout aussi fièrement vers le ciel que s’il s’était trouvé à la lointaine époque de Foulques de Bréauté, unique chevalier issu du village.  

S’aventurant plus loin de l’auberge, il remarqua que les passants se faisaient plus nombreux, et que, paradoxalement, les maisons devenaient plus rares, comme s’il eusse été prévu quelque rassemblement nocturne. Intrigué au plus haut point, le trentenaire décida de suivre les marcheurs, qui n’étaient guère pressés, tandis que Snipiou battait des ailes au-dessus de lui. Il visualisa dans sa tête le chemin qui le reliait à l’auberge, au cas où les choses tourneraient mal. Alors qu’il commençait à s’essouffler – bureaucrate oblige – il vit que les passants s’attroupaient devant l’entrée d’une petite demeure située à l’orée de la forêt, semblable à un terrier tellement elle paraissait encastrée dans le sol.

Les Vieux Normands

couverture Les Vieux Normands

Visionnez la « bande-annonce » des Vieux Normands en cliquant ici !

Les Vieux Normands est un récit de fiction policière, dont l’écriture s’étire sur quatre ans à compter de l’année 2016. Au départ, il ne s’agissait que d’une nouvelle : mais les multiples possibilités de l’intrigue, et mon attachement personnel aux personnages des Vieux Normands m’ont conduit à en faire un triptyque qui voyage à travers trois régions françaises. En ce qui concerne l’écriture, je trouve la qualité très variable d’un moment à l’autre ; mais il m’a semblé intéressant de publier tel quel ce récit en intégralité, car vous pourrez vous rendre compte au fil du texte de l’évolution de mon style littéraire qui, en quatre ans, a effectivement bien changé ! Vous découvrirez toute l’histoire à raison d’un chapitre par semaine, à compter de la date de publication de cet article. Je vous révèle ci-dessous le prologue des Vieux Normands, qui donne un bon aperçu de la première partie de l’intrigue…

Prologue

Avril 2017. Neuf heures du soir. On frappe à la porte. Le feu, dans la cheminée, tressaille, puis finit par s’éteindre. On frappe à la porte. Au dehors, une ultime rafale de vent fait trembler la forêt, dont les feuillages s’endorment en un menu soupir. On frappe à la porte, avec insistance cette fois. Deux coups. Puis trois. Puis un de plus. Bientôt, ce n’est plus qu’un battement incessant, une salve de coups contre le bois rugueux et sec. Alors, à force de désespoir, qui se mua en une sorte de lassitude, on entra et on referma la porte, qui émit un grincement à peine perceptible.

2016 © Anlouek, pour l’œuvre en intégralité. Tous droits réservés.

Les polissons – Chanson drôle et dramatique

Le reconfinement, qui l’eût cru ! Voilà une chanson que j’ai écrite il y a quelques mois. Elle est un peu particulière, car j’avais des contraintes : on m’a suggéré des mots plus ou moins alambiqués (en gras dans le texte), et j’ai dû me débrouiller pour tous les utiliser dans un texte ! Bonne lecture, et prenez soin de vous.

En préambule de cette chanson
Peut-être un pt’it peu dystopique
Il y avait quatre polissons
Qui avaient chacun leur petite
 
Le premier un hurluberlu
Qui est toujours au fond d’la classe
Mais c’est le premier dans la rue
Y fait du skate - ouais c’est la classe !
Il a voulu l’impressionner
Et lui a montré ses tablettes
Mais la pt’ite lui a rit au nez
En répliquant « Franchement, t’es bête ! »
Ce mauvais sujet repenti
Est reparti la tête basse
Le lendemain la prof a dit
« Il manque quelqu’un au fond d’la classe »
 
Le deuxième, certes, est sans le sou
Mais il peint des tableaux sans mal
Il a jeté son amour fou
Dans ses pinceaux, sur une toile
Sa copine, elle, a pas compris
Quand elle a vu une demoiselle
Avec de beaux yeux verts de gris
Elle s’est envolée l’hirondelle
Cet artiste dans le soucis
Peint maintenant près du métro
Et si vous prenez la ligne 8
Vous le verrez par le hublot
 
Le troisième perche dans l’dix-septième
Tout en haut de la capitale
Sa demoiselle, c’est sûr qu’il l’aime
Comme tous ces dragueurs à deux balles
Il a cherché un beau cadeau
Ce beau parisien sans lumière
Et pour se la jouer écolo
Un beau mouton ferait l’affaire
Arrivant dans l’appartement
Le mouton noir sonne l’alarme
Elle congédie son prétendant
Sans une litote, messieurs’ dames !
 
Le quatrième est rapporteur
Et son devoir, c’est sa grammaire
Mais la politique est un leurre
Il aime autant les pissotières
Sans trop d’idées, mais romantique
Il se décide pour le poème
Mais l’amour n’est pas sémantique
Il en perdit celle qu’il aime
C’est ainsi qu’en quelques années
Il a oublié sa grammaire
Et se retrouve sur le pavé
A quémander l’argent du maire
 
En morale de cette chanson,
Nous ne mettrons pas de barrières
C’est le destin des polissons
Que d’être seul pour vouloir plaire
 

© 2020 Anlouek. Tous droits réservés.

Pour lire d’autres textes de ma plume, jetez un œil ici !

Une goutte d’eau

G              C              D               G
Un soleil bas flotte dans le ciel
                 C                           G
Rochers épargnés par les vents
                   C                 D                 G
Et la lumière s'éparpille pêle-mêle
 C                     D
Alors que la poussière flotte au vent
G              C              D               G
La lune s'invite sur le tableau
                   C                         G
Alors qu'au loin une goutte d'eau
C                 D      G                    C
Tombe du ciel, tombe des étoiles
                  D                  G
Et la nuit se peint telle une toile

Une rivière perdue dans le canyon
Les rochers désormais sont mouillés
Mouillée la lumière comme les feuilles d’automne
L’oiseau meurt car il voulait chanter
Une lune noire plane sur la lande
Seule une goutte d’eau peut l’éveiller
Tombe du ciel, tombe de là-haut
Et la nuit s’éclaire de flambeaux

Un océan perdu dans la misère
Un continent hors de l’eau
Et les rochers, toutes ces pierres de la guerre
Ne font des vents froids qu’un vent chaud
Un rayon de poussière rouge les éclaire
Eux qui n’ont pas bu leur dernière bière
Tombé du ciel, tombé mon bel oiseau
La colombe ne volera plus si haut

© 2020 Anlouek, pour le texte, la musique, et l’illustration. Tous droits réservés.

A l’ombre des champs d’orge en feu (Récit)

Le petit village d’Ortilo-sur-Orge avait jusque-là semblé agréable aux yeux de ses habitants. La quiétude de ce lieu ma foi fort éloigné des contrées fréquentées habituellement par l’espèce humaine, devait beaucoup à son champ d’orge. Pas tout petit, le champ d’orge. Mais pas immense non plus. Un champ comme beaucoup d’autres. Seulement, en plus de délimiter le village comme le périphérique encercle Paris, le champ d’orge borde le fleuve, qui a d’ailleurs pris son nom. La renommée du champ, qui borde donc l’Orge, tient au mystère qui s’en dégage. En effet, on raconte qu’au crépuscule, au centième printemps de chaque siècle, les épis brillent d’un éclat surnaturel et tombent par centaines dans le fleuve, ciel constellé de comètes. Toutefois, ces événements ne nous sont rapportés que par une seule photographie, floue, évidemment mal éclairée, et dont l’auteur n’a pas pris soin d’écrire son nom au dos. Du reste, on a jamais revu les premiers témoins du phénomène. La première fois, ç’avait été catastrophique : les pires hypothèses, du retour des nazis à la fin de l’émission Des chiffres et des lettres, avaient été envisagées. Mais depuis, on s’était habitués ; et les Orgelais, par crainte d’une récidive, ne sortent plus de chez eux au crépuscule du centième printemps de chaque siècle, préférant les chiffres et les lettres aux mystérieux épis de blés.

Jean-Jacquelin, figure éminemment romanesque, et personnage au caractère bien trempé puisqu’il habitait près du fleuve, avait quatre-vingt-dix-neuf printemps révolus. Pour ainsi dire, il attendait le centième. Jean-Jacquelin connaissait bien le village, et lui, contrairement aux autres, n’avait pas peur de la rumeur des épis d’orge flamboyants et de tout le tintouin qu’on en faisait. Bref, c’était la veille du printemps, et Jean-Jacquelin attendait le centième. Appareil photo posé sur sa petite commode, près d’une photo de sa mère, le laboureur avait vérifié la pellicule trois fois, rechargé son téléphone à clapet, et pris ses lunettes de soleil, on ne sait jamais, sur un malentendu. Sa mère, parlons-en ! Maire du village autoproclamée au siècle dernier, elle avait gagné le respect des habitants en s’aventurant seule près du fleuve chaque soir, dans l’espoir de découvrir quelque chose pouvant expliquer le phénomène. Mais chaque soir, rien ne se passait, et les épis d’orge, imperturbables, continuaient de toiser les mouvantes eaux du fleuves en contrebas.

Et puis, un soir, au crépuscule du centième printemps du siècle, elle était restée. Où ? personne ne peut le dire, mais elle était restée, fidèle à son habitude, sur les bords du fleuve. Le lendemain, le village découvre la fameuse photographie du fleuve regorgeant d’épis chatoyants, et Jean-Jacquelin était né. D’aucuns prétendent qu’il s’est fait tout seul. Lui n’en a que faire, et s’estime heureux d’être fait tout court, peu importe comment. Depuis ce jour, tout de même, il s’est passé quelque chose. Le coq, dont 1461 chants, soit quatre années civiles, avaient été recensés depuis la création du village, s’est tu subitement. Les poules aussi furent réduites au silence. Des Orgelais ont quitté le village, résignés, pour des villes surpeuplées où l’on mettait parfois deux heures pour faire vingt kilomètres. Ainsi, au crépuscule du centième printemps du siècle de Jean-Jacquelin, le petit village d’Ortilo-sur-Orge n’était plus que l’ombre de lui-même.

Crépuscule du soir. Tout est nuit. La terre résonne du silence des êtres, de l’éveil de la nuit. Rien ne trouble l’atmosphère, excepté Jean-Jacquelin qui ouvre sa porte avec difficulté. Le bois, à cause du froid nocturne, grince, mais ne rompt pas. Depuis l’extérieur, on entend un grand fracas : c’est le laboureur qui, fort de ses lunettes de soleil, a percuté l’encadrement de la porte. Fort heureusement, personne n’est encore debout pour le réprimander, et Jean-Jacquelin finit par s’extirper tant bien que mal au-dehors. Son attirail en poche, il se dirige vers le fleuve. Une fois arrivé au bord – cela ne lui a guère pris plus de quelques minutes, quoiqu’il soit largement encombré – il s’assied. Péniblement, mais il s’assied tout de même. L’herbe est froide. L’eau aussi, du moins, c’est ce qu’il imagine, un plongeon dans le fleuve à cette heure serait bien trop pénible pour ses articulations. Appareil photo en main, il attend. Un hululement de chouette se fait entendre. Jean-Jacquelin est dans ses pensées. Il pense à tous ceux qui l’ont précédés. Il pense à Mariette, à Pierrick, il pense à Bernard et à Josette. Ceux qui ne sont pas revenus. Ceux qui sont restés, comme il aimait à le dire. Car après tout, ils n’étaient jamais vraiment partis, eux. La boulangerie de Mariette tournait toujours ; on jouait encore aux boules près du café de Pierrick ; la fabrique de vélos Bernard & Co. continuait de rouler sa bosse ; la grand-place du village était à jamais nommée Place Josette. Et puis Jean-Jacquelin pensa à sa mère. Il se dit qu’après tout, il était normal de vouloir éclaircir ce mystère.

Soudain, une ombre, en coup de vent. Le laboureur sursaute. Et pour cause, ce n’est pas tant l’ombre qui lui fait peur, que le bruit de l’ombre. Son expérience de toute une vie l’avertit : les ombres sont habituellement silencieuses. Sauf lorsqu’il y a quelque chose, ou quelqu’un. Alors Jean-Jacquelin se retourne, mais ne voit rien : il porte toujours ses lunettes de soleil, et la lune est masquée. Arrivée à sa hauteur, l’ombre s’arrête, et le regarde. Effrayé, Jean-Jacquelin ôte ses lunettes et soupire : ce n’était que Nyûl, un lapin blanc, la mascotte du village. Le lapin se campa sur ses pattes et se posa à ses côtés. Le futur centenaire trouvait son ombre rassurante. Certes, un lapin n’était pas quelqu’un avec qui l’on pouvait converser, mais au moins, il n’était pas tout seul. Le laboureur et le lapin attendent. D’un coup, les nuages s’ouvrent, et la lune apparaît. Légèrement voilée, mais d’un éclat suffisant pour éclairer le fleuve. Une bourrasque de vent souffle, puis une autre. Les champs d’orge s’agitent, et les épis volent, flottant dans le vent. Jean-Jacquelin brandit son appareil. Nyûl écarquille les yeux autant qu’un lapin puisse le faire. Les épis tombent sur le fleuve, toujours immobiles. Puis, sous les feux lunaires, ils rougeoient, et passent du jaune à l’orange incandescent. Le fleuve illumine désormais toute la vallée ; on se croit en plein jour, car Jean-Jacquelin remet aussitôt ses lunettes de soleil.

Et le phénomène se produit. Des ombres. Par dizaines. Des ombres qui sortent du fleuve, comme réveillées par les épis d’orge. Pas seulement des ombres, des visages. Et le laboureur, qui a laissé tomber son appareil photo, les reconnaît, ces visages. Ces visages, c’est Mariette, la boulangère, Pierrick, le barman, Bernard, le fabriquant de vélo, Josette, la fondatrice du village. Et puis des dizaines d’autres, tous Orgelais. Et puis sa mère. Et puis les visages qui sortent de l’eau, les ombres qui deviennent des corps, Jean-Jacquelin, transporté, qui murmure «Maman» de sa voix grasseyée, «Maman» qui lui sourit, et tous deux s’étreignent. Pour lui, c’est la première fois, du moins, dans ses souvenirs. Alors une voix parle. Il ne saurait dire laquelle exactement. Toutes en même temps, peut-être. Voici ce qu’elles disent : «Nous sommes en vie, Jean-Jacquelin. Tous autant que tu nous vois, nous vivons, même si cela paraît effrayant. Seulement, il y a des heures où les habitants du fleuve ne sont pas visibles». Là, une pause. Puis, la voix – ou les voix ? – reprend : «Vois-tu, nous avons tous ici pour point commun d’avoir assisté au lever du soleil dans la nuit. C’est ainsi que nous appelons le phénomène auquel tu es en train d’assister. Et depuis un millénaire, personne n’a jamais cherché à savoir que nous étions devenus. Pourtant, nous vivons, même si le fleuve ne nous autorise qu’à nous montrer une fois par siècle. Tous, nous sommes venus au bord du soir pour espérer voir le fleuve, mais le fleuve nous a englouti, car nos actes n’avaient pour objectif que la vanité. Chacun voulait être le premier à pouvoir raconter ça. C’était beau, et c’est que nous nous disions. Simplement, le fleuve n’était…disons…pas de cet avis. Pour lui, la moindre des choses, c’était de venir à lui pour chercher quelque chose, ou quelqu’un. Nous ne savions pas ce que nous voulions, alors le fleuve nous a pris. Pour ta mère, c’était particulier. Le fleuve l’avait adoptée, alors, pour marquer sa peine lorsqu’il l’a prise, il a dit au coq de ne plus chanter, et aux autres animaux de ne plus rien dire».

Jean-Jacquelin comprenait. A force de trop s’intéresser à l’étrange phénomène du fleuve, on avait oublié ceux qu’il avait fait disparaître. Et le cercle s’est reproduit à l’infini, et jamais personne ne s’était posé la question, jusqu’à ce soir. «Mais pour toi, Jean-Jacquelin, c’est différent. Sans doute n’en as-tu pas conscience, mais tu es venu voir ta mère. Tu as donc le choix : souhaites-tu vivre sur terre, ou sous les eaux ? ton choix sera définitif». Le laboureur se mit à réfléchir. D’un côté une mère qu’il brûlait de voir ; de l’autre, le centième printemps du siècle. Autre chose, aussi. Une certitude en lui : sa mère vivait. Et quoiqu’il arrive, elle vivrait toujours, car les eaux du fleuves, les ombres, et les champs d’orge sont immortels. Jean-Jacquelin choisit de vivre sur la terre ferme. Les voix acquiescèrent, et redevinrent ombres. Le laboureur sourit à sa mère : elle était comme sur la photo, et portait des lunettes de soleil. Puis ce fut la nuit, le vent, les champs qui s’agitent. Puis le calme, et Nyûl le lapin blanc qui regarde Jean-Jacquelin avec de grands yeux. L’éclat de ses pupilles renvoie d’heureuses larmes. La pellicule de son appareil est tombée à l’eau, mais sa mémoire a tout capté, jusqu’aux paroles des ombres.

Les eaux du fleuves lui sourient. Il se dit qu’après avoir vu ça, on peut mourir tranquille. Enfin, le plus tard possible, mais on peut.

La petite fille au ballon bleu (Chanson)

Une petite fille

Qui jouait sur la plage

Un calot, quelques billes

C’est à peu près son âge

Elle suivait les nuages

S’éloignait peu à peu

Puis trouve un coquillage

Baigné par les flots bleus.

Posant sa robe volage

De l’écume dans les yeux

Elle écoute un instant

Le doux bruit de la mer,

Et tous ceux qu’elle entend

Sont des voix familières.

Puis voyant les nuages

Qui partent dans le vent

Elle quitte son coquillage

Et repart simplement.

 

Et la petite fille

Poursuivit son voyage

Dans sa poche, ses billes

Son prêtes à l’abordage

D’un grand navire au large

Qu’elle observe de loin

Délaissant ses nuages

Qui s’arrêtent soudain.

Elle trébuche, elle vacille

Atterrit dans les algues

À côté de ses billes

Apparaît un visage :

Un pt’it peu apeurée

La petite voulait fuir

Mais un regard jeté

La convainc de sourire

Au marin devant elle

Dont l’air même semble dire

«Envole-toi ma belle

Comme s’envole ton rire».

Mais d’un regard en or

Elle désigne les nuages

Il n’est pas temps, encore

D’aller à l’abordage.

 

Puis la petite fille

Remit ses billes en poche

Elle se lève, elle vacille,

Mais repart comme Gavroche

Elle les sent, les accroche

Ces immenses nuages

Et court sans anicroches

En suivant le rivage,

Quand soudain un voile passe

Et rencontre ses yeux

Elle qui voulait une glace

Elle trouve un ballon bleu.

Avec toute sa grâce

Elle joue un tout pt’it peu

Et le ballon s’envole

Jusque sous le soleil,

L’azur le cambriole

Cet astre d’or vermeil

Le ballon bleu retombe,

Le soleil avec lui

Elle aperçoit une ombre

Qui indique la nuit.

Alors elle se regarde

Dans ce beau ballon bleu

Qui reflète par mégarde

Ses mèches et ses yeux bleus.

 

Une petite fille

Qui jouait sur la plage

Quand sur l’eau, la lune brille

Elle ne fait pas son âge.

Elle qui semble plus sage

Se rappelle le matelot

Et cherche les nuages

Jouant avec son calot,

Surveillant de son œil

Son ballon couleur d’eau

Elle est désormais seule :

Le ballon lui tient chaud.

En regardant les flots

Scintiller sur ses billes

Se lève la petite fille

Regardant les oiseaux

Et ses yeux bleus s’envolent

Il reste son calot,

Ses billes, sa cambriole

Son soleil sous les eaux.

Près de sa robe volage,

Sa silhouette envolée ;

Près de son coquillage,

Le ballon est resté.

 

Texte et illustration © Anlouek, 2019. Tous droits réservés.

Vous pouvez lire d’autres textes de ma plume, ici, ou .

Dans 10 secondes (Chanson)

Dans 10 secondes le téléphone sonnera

Il faudra décrocher

Ou bien tu l’auras pas

Et dans 10 ans, quand tu y repenseras

T’auras beau t’accrocher

T’auras même pas d’emploi

 

Dans 10 secondes un amour s’envolera

Il faudra l’accepter

Elle ne reviendra pas

Et dans 10 ans, quand tu t’en souviendras

T’auras beau l’appeler

T’entendras plus sa voix

 

Dans 10 secondes une dure pluie frappera

Il faudra bien tuer

Ou tu ne seras plus là

Et dans 10 ans, quand tu les reverras

T’auras beau oublier

Tes cauchemars seront là

 

Dans 10 secondes déjà plus rien

Plus rien que ton sourire

Dans le ciel au matin

10 ans après, ta famille se souvient

Que tu aimais leur dire

Que le monde irait bien

 

© 2019 Anlouek. Tous droits réservés.

 

Si cette chanson vous a plu, n’hésitez pas à aller lire mes autres chansons !

Deux chansons qui m’ont inspirées en particulier pour écrire ce texte :

Le Pierrot de la Toque blanche – 2/2 (Nouvelle)

D’abord, à feu doux. Pour ma part, Arnaud, réputé viande peu tendre et difficile à avaler, m’a envoyé d’un coup dans la petite marmite en déclenchant volontairement une saute de tomate dans mon cerveau. Ça n’a pas loupé. A peine avais-je proliféré mes premières vitupérations à l’encontre de la société que je me retrouvais dans le petit bouillon de l’immense poule au pot. A ce moment-là, je lève les yeux, et, au-dessus de ma tête, je vois une toque blanche. Assez petite, ça doit être le stagiaire qui vient des concomitants. Puis je reviens à Arnaud et, étrangement, je suis un peu plus calme que d’habitude. Le bouillon bouillonnait plus que moi. Il m’a rincé.

Maintenant, ‘faut qu’j’vous parle des concomitants. On les appelle comme ça mais c’est un nom raccourci, en vérité ce sont les concomijotants. Ceux qui mijotent, mais à côté de la cuisine. On sait pas trop comment ils sont arrivés là, encore moins comment ils ont pu survivre, mais en attendant, ils aident à la cuisine et c’est pas ce qu’ils ont fait de mieux dans leur existence. A part ça, personne ne les connaît et tout le monde s’en fout.

Voilà, ça fait un mois que je cuis dans ce bureau, et tout à l’heure, en repensant à la sauce roquefort, je me suis dit que tout ce beau monde avait bien besoin d’un bon coup de congélateur. Mais définitif, le congélateur. Et le seul moyen d’infiltrer la cuisine, vu qu’on pouvait même pas faire un CDD de plongeur, le seul moyen c’était les clients. Car oui, la cuisine avait ses clients, des clients de tout acabit. Tenez, Arnaud, mon boss, il vient de là. Des clients. C’en était un de haut rang, lui, un habitué, il prenait toujours son steak saignant, avec une sauce au roquefort, et un Bordeaux 2008 pour accompagner l’ensemble. Jamais de frites, toujours des pommes de terre vapeur. Mais un jour, Arnaud était tombé de son plumard, et la cuisine l’avait mal pris.

Il avait été mis au rang d’initié, et devait former les initiés en question pour qu’un jour, peut-être, ils puissent être clients. Mais être client, c’est comme être patron : on fout rien. On passe sa vie au plume. On est des branleurs par obligation. Mais pas le choix, c’est c’ qu’on fait d’mieux. C’est même la seule solution. J’vous fait pas la recette, car à la moindre connerie : vous êtes du peuple : cuisiné, bien tué. Vous êtes concomitant : vie de stagiaire, c’est pépère. Vous êtes initié, c’que j’suis : vie d’ennui, prenez un whisky. Vous êtes client : vie de branleur, toujours à l’heure et obligé de dormir, y’a pire. Ma solution : une rasade de whisky, un pt’it peu de poésie (dans un bureau, c’est mieux à l’apéro), et hop, au lit.

Et une fois là-bas, il faut négocier avec Jean-Jacques. Lui, c’était un cas, Jean-Jacques. Il était devenu cuisinier. C’était le seul du système. C’est vous dire le talent du mec. Irremplaçable, en plus. Car oui, cher lecteur, chez ces gens-là, on ne meure pas, Monsieur, on ne meurt pas, non. On cuisine à vie. Car si d’aventure, plus personne n’est là pour cuisiner, what happens ? Il se passe que les heureux envoyés au cuistot, qui prévoyaient de finir en épinards, revoient à la hausse leur budget, et finissent comme des coquillettes dans une passoire. Sans être jamais servis.

Donc j’entreprends ce plan, qui pourrait bien me mener droit à la bière, mais bon, tout ça vaut bien une petite blonde, non ? (je parle d’une bière blonde, n’y voyez aucun sous-entendu, vraiment, déjà que j’ai un foie de canard, me rajoutez pas en plus le rire gras d’un thon vivant en bande sonore, parce que question merde, autant écouter Jul, au moins c’est de la musique). Le whisky, enfin, la bière, check. La poésie, que voici, j’en ai déjà fait tout à l’heure, et j’ai pas eu l’argent du beurre, alors ça suffit.

Tiens, mangeons du riz, nature, puisque j’ai pas eu le beurre, je vous dis. La poésie, check. Maintenant, au lit. Je lance Hexagone sur mon enceinte (musicale, l’enceinte, aucun sous-entendu, vraiment), je mets le son à fond, et voilà que je me retrouve dans la cuisine pour la troisième fois de mon existence blanc banane – banal, pardon, une petite saute de tomate en cuisine, ça n’a rien d’inhabituel, on s’y fait vite, je vous le promets.

La banane que je suis, d’ailleurs, a visiblement maturée, puisque cette fois, je peux voir et me déplacer dans la cuisine, qui, d’ailleurs, n’a de cuisine que le nom. C’est un bureau, la cuisine. Mais un grand bureau, avec plumard à baldaquins rouge ketchup (dans lequel j’ai atterri, au lit : check), sol couleur pomme et murs couleur orange. Et puis, surtout, il a la clim’. Et un coussin Ikea (j’ai perdu le copyright). Et une table. Avec un iMac dessus. Ça sert à rien pour cuisiner, mais il en a un quand même.

Car oui, c’est qu’c’est un artiste, notre JJ, avec des heures de pause déj à l’infini. Je vous le disait tout à l’heure, c’était quelqu’un. D’ailleurs, la toque blanche, comme je déteste l’appeler – on nous apprend ça à la naissance, au lieu de maman papa, – est devant moi, son chou-fleur sur la tête. Et il me regarde, avec sa tête de carpe. Il a arrêté de cuisiner, et fait une tête comme s’il venait d’être embauché chez Picard. Pour lui, un initié qui le défie, c’est la fin des haricots. Pour moi, c’est que le début, d’accord, d’accord ? (mes sautes de tomate deviennent pimentées, l’effet du chef, sans doute).

Je commence par lui filer un marron, à c’t’imbécile. Et le pire, c’est que, tout de suite, il en fait une crème, qui tombe sur le sol vert pomme, et disparaît instantanément. La cuisine, c’est aussi des expériences. Je comprends mieux la phrase d’Arnaud, maintenant, et « le fruit d’une première expérience » m’apparaît, disons…différemment. Car oui, on naît tous dans la cuisine. Jean-Jacques, c’est, par extrapolation, le mec qui m’a fait naître. Tout seul, dans son bureau orange pomme. Lui, on sait pas trop d’où qu’il vient.

A ce qu’on dit, il est né près d’une poubelle. A part ça, c’est lui qui fait tout dans le système, c’est presque un Dieu. Un Dieu, donc, qu’est né près d’une poubelle et qui porte un chou-fleur sur la tête. Si si, c’est dans la Bible. Le Tout Nouveau Testament, qui contient pourtant des phrases écrites il y a des millénaires. Ces gens-là ont toujours eu le sens de l’argent – je veux dire de l’humour – d’ailleurs leurs troncs sont fermés comme des huîtres. Me demandez pas comment on cuisine ça, un Dieu, ni le goût que ça a, si jamais on y arrive, toujours est-il que, à mon avis, ‘vaut mieux pas y arriver.

J’suis devant Dieu, donc, et mon visage commence sérieusement à se pimenter, sauf que cette fois c’est du piment vert. Je tiens bon, et devinez quoi ? Je lui commande un steak saignant, avec une sauce au roquefort et un Bordeaux 2008. Il comprend très bien qui je suis et où je veux en venir, mais bon, il est sympa, JJ, il veut toujours aider son prochain, alors il commence par faire la sauce roquefort. Il sort le Bordeaux, pour le mettre à température. Et puis, il s’aperçoit qu’il y a plus de viande. C’est normal, j’ai débranché le frigo en arrivant, la viande a fondu. Il voit tout, Jean-Jacques, il sait que c’est moi qui ai foutu le bordel.

C’est comme ça que, d’un coup, je me retrouve dans la marmite géante, en train de nager dans une sauce au roquefort pimentée. C’est moi le steak. Saignant, pas encore, mais bientôt. J’ai un peu chaud. Mais je suis toujours là, toujours vivant, et, du fin fond de ma mixture, tel un tourteau à l’agonie, je me jette sur JJ et je lui arrache son chou-fleur, qui tombe sur le sol et disparaît. Lui aussi, c’est le fruit d’une première expérience, tout le monde l’est. Alors, il rapetisse, notre bon Dieu, au fur et à mesure que la sauce roquefort s’évapore, il rapetisse et m’empêche de me noyer. Je baisse les yeux au sol, parce que je suis toujours coincé dans ma marmite, et je vois que JJ s’y déverse lentement.

Mais pas sous forme humaine. Pas sous forme de Dieu non plus. C’est comme ça, avec un Bordeaux 2008 et des restes de sauce roquefort, que j’en suis venu à manger un divin steak haché, saignant. Puis je me suis rappelé que tout ça, c’était le repas d’Arnaud. Alors, pour y ajouter ma petite touche perso, j’ai demandé un Bourgogne 2010, un vin du peuple. En plus, j’avais la frite. A ce moment-là, il m’est venu une phrase d’un certain Jimmy, un génie. La cuisine, le système, le thermostat, la sauce, tout ça ; écoutez pas. Moi qui suis un Pierrot, j’vous le dis, j’en suis sûr. Ces conneries, c’est des conneries.

Le Pierrot de la Toque blanche – 1/2 (Nouvelle)

Le cuisinier, c’était Jean-Jacques. Pour les intimes, JJ, du haut de son plumard, c’était quelqu’un. Pour les autres, les initiés, les concomitants, ou tout simplement les clients, ce n’était pas le chef – qui l’eût cru ? – mais la toque blanche. D’aucuns s’interrogèrent, par la suite, sur l’étrangeté de l’appellation, qui disait tout du personnage sans que personne n’en su rien. C’est pourquoi moi, Pierrot, je vais vous narrer sans outrecuidance l’inénarrable, ce qui équivaut peu ou prou à vous raconter comment j’ai failli tomber dans la marmite géante, et comment j’ai failli en ressortir, ce qui, vous vous en doutez, ne fut pas une mince affaire.

« Pierrot ? Vous voudrez bien rester encore quelques heures pour nettoyer la sauce ? – c’est d’accord, Monsieur. » D’accord, d’accord. C’est le mot qui rythme mes journées. Vous savez, c’est presque un accord, ce d’accord : un accord de musique, un accordéon, un accord tacite même, voilà, c’est tout ça à la fois avec, en supplément – le dessert du chef, c’est cadeau de la maison ! – ce « d’ » dissonant, désagréable, qui sème la discorde au sein de l’accord. Accord que je tentais de maintenir depuis bientôt un mois, dans la quiétude la plus totale que l’on appelle plus communément « ennui ». Oui, vous l’avez deviné : je bosse dans un bureau. Et pas n’importe lequel.

D’habitude, les gens qui bossent dans des bureaux, pour se donner bonne conscience, vantent tel ou tel aspect dérisoire de leur bureau qui, aux yeux de tous, est destiné à le faire passer pour un endroit de luxe. On trouve pour habituelles revendications les « j’ai la clim’ », « j’ai un iMac », « j’ai un coussin de chaise Ikea® », et plus rares sont les « j’ai une heure de pause déj’ » ou les « mon boss est sympa », les deux dernières ne possédant pas l’exclusivité des revendications bureaucratiques, puisqu’elle peuvent s’élargir à l’ensemble de la sphère que j’appelle les « travailleurs systémiques hiérarchiques », dont les termes suffisent à expliquer la circonstance. Vous n’avez pas compris ? D’accord. Mais puisqu’en temps que lecteur, vous n’êtes qu’un « individu consciencieux des mots », je ne satisferai pas davantage votre incompréhension, au risque de trop épaissir la sauce.

Car oui. Cela m’est arrivé. Depuis, je vérifie systématiquement le thermostat. Oui, c’est-à-dire qu’une fois, sans préavis, à la question « vous voudrez bien rester encore quelques heures… ? », j’ai répondu, d’un ton aussi plat que les lignes de ma marinière « non, Monsieur, j’suis pas d’accord. ». M’enfin, n’en fait pas tout un plat, me dites-vous du ton hautain de celui qui lit. Vous n’êtes pourtant qu’à l’apéro, vous dis-je, du ton monocorde de celui qui bosse dans un bureau.

Mon bureau, donc. Extraordinaire par sa simplicité. Des moules marinières sans oignons. Un bureau sans table, ni clim’, ni fenêtre, sans coussin Ikea®, sans chaise, même, sans iMac, et sans boss…sympa. Rassurez-vous, même s’il est invisible, il y a un boss quand même. C’est juste un branleur, c’est courant par les temps qui courent. Et la dernière fois que j’ai répondu « non, Monsieur, j’suis pas d’accord » à ce branleur, je me suis retrouvé d’un coup dans la cuisine.

Et là, même pas besoin d’un inspecteur de Police pour me cuisiner, pas besoin non plus d’ustensiles quelconques, non non, j’ai juste été cuisiné tout seul, comme ça, sans sauce. A ce qu’il paraît j’ai un goût un peu amère, car la cuisine, Sainte Mère de Dieu (j’y crois autant qu’à Ikea®), m’a renvoyé tout de suite d’où j’venais. Visiblement, le dessert n’était pas encore prêt, le fruit pas assez mûr, il fallait laisser m’a tué – pardon, maturer. J’ai des « sautes de tomate » comme on dit dans l’jargon, des sautes d’humour, et parfois d’humeur si mon humour vire rouge. Voilà, ce que je vous ai raconté là, c’était, comme dirait le boss, « le fruit d’une première expérience », ou, comme je dirais moi, hé ben, moi ? Je dirais que c’était tout simplement le bordel.

Comme je vous l’ai dit, la sauce était trop épaisse. Elle tapissait tout le sol du bureau, se glissait sous les fentes des portes, et dévalait les couloirs pentus avec la dangerosité d’un coulis de fruits rouges. Mais non, c’était de la sauce au roquefort. Mon boss, Arnaud qu’il s’appelle, n’avait pas manifesté un grand étonnement, seulement un léger courroux : c’était connu des gens qui bossent dans des bureaux, quand quelqu’un faisait une bêtise, il se retrouvait dans la cuisine. Moi, j’avais eu de la chance. D’autres avaient fini totalement cuisinés, distribués aux clients et aux concomitants. Je pataugeais donc dans la sauce en me disant que, de toute façon, elle allait s’évaporer dans un bon quart d’heure. Il n’y avait rien à faire en attendant, sinon que de s’affairer aux farineuses et faramineuses affaires qui nous affolaient.

Après avoir répondu « d’accord », donc, je me préoccupe desdites affaires. Nous faisons partie, nous autres bureaucrates, des initiés. Initiés à la cuisine. Oui, c’est de la cuisine de bureau, mais de la cuisine quand même. Quiconque parmi les autres humains s’y retrouvait, il finissait, au mieux haché en steak, au pire, il ne finissait pas, on le gardait et on le mangeait plus tard, avec les autres restes. Les initiés, dont j’fais partie, peuvent passer par la cuisine et en ressortir.

Il paraît que c’est rare, les initiés. Car on ne choisit pas d’être initié. Non, dès la naissance, on nous met à part, on nous ausculte, on nous observe, voyez, un peu comme on met à la cave un Bordeaux de 2008, car il est meilleurs qu’un Bourgogne de 2010. Le Bourgogne, c’est le bon peuple. Le Bordeaux, c’est nous, les gens qui bossent dans les bureaux. Puis, une fois adolescents, on nous raconte un tas de salades, comme quoi nous sommes « des morceaux choisis », que nous constituons « le grand cru de notre génération »,… Tu parles, que des conneries. On nous roule dans la farine. Toute notre enfance, on a la frite, et puis, un jour, on devient adulte, et là, catastrophe, ça tourne au vinaigre. D’enfantins baladins nous devenons des bureaucrates un peu patraques, et on commence à nous faire rissoler.

La suite le 4 Juillet à 17 heures !

N’hésitez pas à commenter !

Les Cerises – Un thriller interactif

Bienvenue dans ce thriller interactif !

Le fonctionnement est simple : l’histoire va débuter ci-dessous. Vous lisez tranquillement quand soudain, des choix se présenteront à vous. Il vous faudra en choisir un – et un seul ! – pour poursuivre l’histoire. Avant de commencer, quelques petites indications à suivre pour mieux apprécier cette histoire :

  • Certains choix pourrons se révéler fatals, soit pour un personnage, soit pour l’histoire elle-même. Songez bien à l’intrigue avant de choisir !
  • Chaque choix vous mènera vers un autre article où l’histoire se poursuit, un autre chapitre. Il est très important de respecter cet ordre afin de conserver la cohérence de l’histoire, et d’éviter le spoil ! (pour les non-anglophones : spoil = révélation prématurée de l’intrigue)
  • Si vous êtes perdu, reportez-vous au titre des articles, qui seront numérotés par ordre chronologiques. Cependant, je vous conseillerais vivement de reprendre l’histoire à zéro !
  • Enfin, cette histoire peut être lue et relue autant de fois que vous le souhaitez : il vous est donc possible d’accéder à tous les dénouements. Merci de ne pas révéler des détails importants dans les commentaires, afin de ne pas gâcher l’expérience des nouveaux lecteurs !

Sur le toit (Chanson)

Rayon d’soleil, moi sur le toit
J’écoute le feuillage qui frissonne,
Par la gouttière l’écho des voix
De tout un monde qui résonne
J’ai les yeux clos, mais le soleil,
Le chant des oiseaux m’éblouit
C’est comme l’amitié, c’est pareil
C’est comme la voix de mes amis

Qui dans la tôle résonne encore
Et fait frémir les feuilles dehors

Le jour avance, depuis le toit
Je sens la brise sur mes épaules
Un chat qui grimpe près de moi
Et depuis la gouttière il miaule
Les yeux fermés, j’vois son pelage
Le reflet du soleil qui luit
Et si devant passe un nuage
C’est de milles feux que brille la nuit

Qui pose sa lune en haut d’un arbre
Et grave son ombre dans le marbre

Lune qui scintille, les voix se taisent
Y’a plus aucun feuillage qui bruisse
Les étoiles montent, le vent s’apaise,
Et dans mes yeux soudain se glisse
Une lueur de poésie
Rimbaud et ses poches crevées
Verlaine ce bon poète maudit
Gauvain et sa casquette levée

Qui portent les mots au firmament
Comme des étoiles, finalement
Qui portent les mots, et pour toujours
Je les regarde quand tombe le jour

Anlouek, 2019. Tous droits réservés.

Radio-transmission (Archive)

Archive datant de l’année 2016, où je présentais cette nouvelle (sans succès, hélas !) au concours national de l’AMOPA (j’étais en classe de 3ème). Je vous souhaite une divertissante lecture !

Il pressa le bouton « Français » : les cours, les devoirs, ainsi qu’une vidéo explicative du maître, s’affichèrent instantanément sur l’écran de l’iPad. Cet appareil était, pour Danaël, une antiquité.

Suite aux plaintes des parents concernant les cours qui, semblait-il, étaient trop consistants pour les élèves, Vaporux, une société anonyme, avait remplacé l’Éducation Nationale, au grand dam des professeurs, licenciés sur-le-champ. En effet, jugée incompétente par une bande d’irréductibles sortis tout droit d’Astérix (malheureusement, ils n’étaient pas Gaulois), elle fut conduite à la démission par référendum local – pratique qui disparut bien vite sous la Dixième République – et tous les établissements scolaires cessèrent tout bonnement d’exister ; dans une société désormais gouvernée par l’anarchie, les élèves, ou plutôt ce qu’il en restait, c’est-à-dire une majorité de gens de lettres, étaient contraints de s’instruire à leur domicile, à l’aide du nouveau système portatif, Workporisation – à croire que le Président, un Breton pure souche, s’était lui aussi converti à l’anglicisme de ce siècle – invention majeure du Vingt-troisième siècle, dont le slogan, peu convaincant, était : « Avec Workporisation, vaporisez vos cours en un clin d’œil ! » Une imbécillité selon Danaël. Le système consistait en une transmission de molécules à distance, avec une vaporisation à partir d’un flacon, directement sur le transmetteur. L’élève, quant à lui, possédait un émulateur qui émettait une sonnerie lorsqu’un cours était à l’intérieur. Il suffisait d’appuyer dans l’ordre sur les boutons indiqués par une sorte d’emploi du temps.

Danaël connaissait presque par cœur son emploi du temps ; d’un geste nullement hésitant, il pressa ensuite le bouton « Arts Plastiques ». Sauf qu’il s’était fourvoyé dans son geste, s’étant mal familiarisé avec son nouvel emploi du temps : ce n’était pas la bonne touche. Une formidable déflagration retentit alors, lui vrillant les tympans. Danaël s’affala sur le sol, inconscient. Ses parents le retrouvèrent au milieu des décombres de sa chambre. L’explosion avait ébranlé la maison, ne causant – à l’exception de la destruction de la chambre – que des dégâts mineurs. Les voisins, venus se plaindre d’un souffle d’air brûlant et sec, avaient alerté les autorités compétentes, déjà sur place. Les scientifiques de la Milice Républicaine, qui faisait office de Police, déclarèrent le périmètre radioactif : on évacua tout le monde, puis on emmena Danaël à l’hôpital. Entre-temps, on rassura les voisins, chez qui c’était l’affolement général, et on découvrit, plus tard, que c’était l’émulateur qui avait causé la déflagration. Pendant ce temps, les parents de Danaël, accompagnés d’autres parents dont les enfants possédaient également Workporisation, allèrent déposer une plainte contre l’organisation, qualifiant cet « honorable système, se vantant de dispenser un enseignement supérieur à celui de l’Éducation Nationale, et qui plus est paré d’une renommée mondiale, de dangereux et d’intolérable pour les élèves. »

A moins d’un kilomètre de là, Danaël s’éveillait dans son lit d’hôpital, courbatu. Tout à coup, un infirmier débarqua dans la chambre sans prévenir et s’exclama, un tant soi peu décontenancé : « Que fais-tu encore ici ? » Danaël, encore ensommeillé, le dévisagea d’un air interrogateur, sans comprendre, et l’infirmier eu la bonne idée de jeter un œil à sa fiche des présences : elle était vierge. « Cela s’explique peut-être par l’explosion de son émulateur » pensa-t-il. Je me dois de prévenir le Ministère. Le lendemain, l’événement faisait la Une des journaux, et les rumeurs, ragots, ainsi que toutes sortes de spéculations, faisaient fureur sur IntraNet – le nouvel Internet. On avait effectivement restauré l’Éducation Nationale, aux dépens de la société Vaporux, évincée du gouvernement, ainsi que son système portatif, Workporisation : celui-ci avait été jugé « nocif au savoir et à la culture d’autrui ». En effet, la moindre erreur de pratique, si infime fut-elle, conduisait à l’effacement total de tous les livres à proximité, actuellement en réécriture

Le ciel violoncelle (Poésie)

Un jardin tout illuminé

Dès nos lendemains arrivés,

S’en est allé.

 

Une étendue toute de vert

Les pas perdus dans la bruyère,

Tombe par terre.

 

Un ciel au rouge couchant

Ce violoncelle larmoyant,

S’en va, tel un enfant.

 

 

Une mer toute chahutée

De son grand air a chaviré,

Et s’est noyée.

 

Un grand rocher vers l’océan

A basculé — barque d’antan,

S’est écrasé.

 

Un grand ciel au bleu d’airain

Ce violoncelle des marins,

S’en va, tel un gamin.

 

 

Un long train blanc, tous les matins

Part doucement, sur son chemin,

Sans entrain.

 

Nombre de gens, ont emprunté

Tout en courant, ces voies pressées,

Sont arrivés.

 

Un ciel violet de nuit,

Ce violoncelle de la vie,

S’en va, et c’est fini.

 

 

2018 © Anlouek – Tous droits réservés.

Regard sur la société de ce temps (Slam)

Telles sont les velléités de l’existence

Qu’on en perd tous la semence,

On en oublie le sens,

On en perd même l’essence.

Amoureux du paradis,

Fiers chevaliers de la vie

Que votre bel air gentil

Ne gâche pas votre utopie.

Pour tous les autres, capitalistes,

Centristes, et rationalistes,

Je n’ai qu’une chose à vous dire :

Ne devenez pas journalistes.

2018 © Anlouek – Tous droits réservés.

Pour voir d’autres articles, rendez-vous sur la page Articles en Une.