Les Cerises – Chapitre 3 : Jean-Jacques et l’étrange chapeau [Choix 1]

L’auguste contrée d’Epreville-en-Roumois, paisible bourgade de Normandie, n’était jusqu’à présent pas réputée pour son vacarme, mais plutôt pour l’ambiance décontractée et fort calme qui y régnait. L’arrivée du wagon de Philippe Grapinet se fit dans une cohue-bohue telle que le Maire du village en personne fit le déplacement, afin de voir ce qui se tramait.

C’était le premier revers pour l’équipe de Monsieur Grapinet, qui s’était promis d’être discret. Fort heureusement, cette relative discrétion se limita à quelques brèves dans les pages locales, car on fit vite comprendre à Monsieur le Maire que si l’incident s’ébruitait, il aurait des problèmes. La scène, pourtant, était cocasse.

Le wagon avait atterri au beau milieu d’un massif d’épineux, un peu avant midi selon l’heure solaire, de telle sorte qu’une ombre avait longtemps plané au-dessus du village, faisant craindre le pire aux éprevillais qui s’étaient massés en contrebas. Le wagon, s’il ne souffrait d’aucun dommage à l’intérieur, paraissait fortement endommagé de l’extérieur, de tel sorte que l’habillage confectionné par les membres du train qui tourne en rond avait largement perdu de sa superbe. Des lambris de bois, en effet, jonchaient le sol, se mêlant aux branches d’arbres arrachées par le wagon. Le portrait-robot de l’homme au chapeau melon fut transmis à tout les habitants du village. Monsieur Grapinet se mit à sa recherche. Il ne fut pas déçu.

Au détour de l’artère principale se trouvait une station essence, tout à fait banale, où seuls deux véhicules stationnaient. A côté de l’un d’eux, une Chevrolet vintage venue de temps reculés, un homme fumait la pipe. Il arborait un costume anglais, avec un nœud papillon. Une canne en acacia reposait à son côté. Malgré son aspect rondouillard, Monsieur Grapinet devinait qu’il avait maigri. L’homme, sentant une présence arriver, leva la tête. Son chapeau melon, impeccable, ne broncha pas. Il parla. Entendons-nous bien : le chapeau parla. Avec une étonnante assurance : «Alors Philippe, tu ne dis pas bonjour à ton vieux pote Jean-Jacques ?»

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